4.2.2.4 Empire en fête & Belfast en trève

Ne serait-ce pas par exemple la tempête ?

Si Conrad range The Nigger of the ‘Narcissus’ parmi ses « storm-pieces », n’est-ce pas parce que ce « storm » est la clé du roman, l’emblème, historique y compris, des épreuves nationales ?

S’il est vrai que Conrad « also wanted to connect the small world of the ship with that larger world carrying perplexities, fears, affections, rebellions, in a loneliness greater than that of the ship at sea » (Conrad 1897g, p.421), il devient tentant d’interpréter l’ouragan comme l’une de ces guerres qu’a dû livrer l’Angleterre, entre autres dans ses colonies, et pourquoi pas en Inde, puisque l’histoire se situe largement dans l’Océan Indien et commence à Bombay.

La tempête serait alors cette guerre coloniale dont le pays est sorti victorieux, plus resplendissant que jamais, comme le Narcissus lui-même qui, à l’opposé du Nan-Shan de ‘Typhoon’, n’arrive pas au port à l’état d’épave, mais rutilant : « Rapid and white she ran homewards in a straight path, under a blue sky and upon the plain of a blue sea » (Conrad 1897a, p.73). A l’évidence, même matérielle, « the hours of ineffective turmoil were forgotten » (Ibid.).

Mais justement : la tempête en elle-même n’a aucun impact sur la suite, pas plus que les guerres coloniales n’ont laissé de trace dans l’Angleterre de 1897. « By the time of Victoria’s Diamond Jubilee in 1897, the historian James Morris claims [in Pax Britannica], ‘the idea of Empire had reached a climax’, and the celebration of sixty years of Victoria’s reign was as much an international celebration of the idea of the New Imperialism as it was a tribute to the venerable queen. » (Thomas 1994, p.195).

Et de fait, la reine Victoria ayant été nommée Empress of India en 1876, il s’en faut de vingt ans au moins qu’un quelconque « turmoil » vienne troubler l’Empire Britannique de ce côté-là 174

Plus récents il est vrai seraient les troubles avec l’Irlande.

Or, le surnom d’un marin, Belfast, invite à regarder dans cette direction aussi, d’où sont venues plusieurs vagues de violence, notamment causées par les fenians, ces membres de la Fraternité républicaine irlandaise fondée en 1858.

Mais les années 1890 marquent une trève dans ces affrontements, et ce « turmoil » aussi est provisoirement oublié.

Si bien que la tempête qu’essuie le Narcissus relève tout autant du trompe-l’œil que les couinements sporadiques d’un Donkin, ce qui conduit à ne pas retenir les éventuelles menaces extérieures comme plus décisives dans l’amorce du « mouvement social » que connaît le navire que ne seront les harangues improvisées de meneurs qui ne mènent à rien.

Notes
174.

Même les troubles à la frontière nord-ouest avec l’Afghanistan n’ont jamais conduit au conflit armé, et « en 1887 tout était enfin réglé pacifiquement » (Crokaert 1947, p.376).