L’atmosphère oppressante et terrible qui se dégage des textes de Thomas Hardy en est souvent donnée comme le signe distinctif. Aussi est-il choisi dans les dictionnaires de termes littéraires comme exemple d’auteur de romans tragiques, en plus, bien sûr, d’être cité parmi les grands écrivains régionalistes, et les romanciers pratiquant l’ironie. Mais Hardy est bien plus qu’une figure d’encyclopédie, et nous allons voir combien son écriture dépasse les définitions de termes pour donner naissance à une œuvre singulière et nouvelle. La signification qu'il attache à la tragédie – qui rappelle l'ironie cosmique dont nous venons de clore le propos – en souligne toute l'ambivalence :
‘Tragedy may be created by an opposing environment either of things inherent in the universe, or of human institutions. If the former be the means exhibited and deplored, the writer is regarded as impious; if the latter, as subversive and dangerous; when all the while he may never have questioned the necessity or urged the non-necessity of either [...] 89 .’La source et la visée de la tragédie semblent donc incertaines chez Hardy, et nous tenterons de voir plus clairement de quelle manière elle s’articule dans le roman. Il sera intéressant, pour redonner à Jude toute son ampleur, d’avoir recours à un autre texte, lui aussi exemplaire, et surtout originel : La Poétique d’Aristote.
L’influence du théoricien grec sur l’écriture de Hardy est évoquée par ce commentaire sur le roman en général, tandis que l’auteur explique les raisons de son abandon de cette forme littéraire à la suite de la publication de Jude :
‘Hardy had commented that the novel was “gradually losing artistic form, with a beginning, middle, and end, and becoming a spasmodic inventory of items, which has nothing to do with art.” The Aristotelian allusion suggests that, for all his traditional placing in the mainstream of realist fiction and his undeniable debt to George Eliot, the significant models for Hardy’s fiction included classical tragedy 90 .’F. E. Hardy, p. 274. Notons en passant que ces deux aspects de son écriture furent reprochés à Hardy, et il tente, en donnant une telle définition, de répondre aux critiques.
Page, in Kramer, p. 52.