L’œil du narrateur est ce lieu ouvert par lequel passent toutes les données du roman afin de former ensuite un ensemble représentable. Il est le lien entre l’intérieur et l’extérieur, entre l’imaginaire et le réel. La voix du narrateur en est le prolongement :
‘Dans le discours qu’elle tient « à l’extérieur », la voix ex-prime la vie dans le moment même où la vie s’éprouve comme proximité du sujet à soi-même « dans » le corps. La voix est expression de la vie éprouvée comme « im-pression ». Dans la voix, la vie silencieuse se donne à entendre pour un autre, en même temps qu’elle se recueille en elle-même 236 .’La voix est « cette extériorité intime, cette extimité » 237 , résonance du désir du sujet et appel à l’Autre. En tant que texte écrit, Jude est à la fois voix et regard – “telling and showing 238 ” – et le lieu de l’Autre est occupé par le narrataire en tant que destinataire de l’acte d’écriture.
Pour commencer cette étude de la narration dans Jude , nous nous pencherons d’abord sur la matière que nous pourrions dire « brute » du récit : la diégèse, c’est-à-dire la trame de l’action donnée dans sa chronologie, la chronique – pour reprendre le terme du narrateur – des événements.
Vasse, 185.
Lacan, Le Séminaire VII, p. 169.
Wayne C. Booth, The Rhetoric of Fiction, The University of Chicago Press, Chicago, 1961, p. 6.