3. Tragédie silencieuse.

Le traitement de l’ironie dans Under Western Eyes esquisse les contours de « lalangue » qui

‘fait qu’une langue n’est comparable à aucune autre, en tant que justement elle n’a pas d’autre, en tant aussi que ce qui la fait incomparable ne saurait se dire.
Lalangue, est, en toute langue, le registre qui la voue à l’équivoque 867 .’

Le rôle du professeur relève alors d’une impossibilité qui apporte une tonalité tragique à la narration : comment être fidèle à « lalangue » ? Comment traduire ce qui est hors les mots ? Comment dire la voix ? Dans le paradigme tragique, « lalangue » devient objet vocal et la lettre surgit comme déchet qui chute, tels les mots répétés mécaniquement par un perroquet. Ainsi, le “I am it” (UWE 209) de Razumov, qui veut tout et ne rien dire à la fois, s’avère intraduisible, car il ne renvoie à aucun autre qui ne le trahisse. Ce “it” fait référence à l’objet, à la Chose, mais quelle est-elle pour son interlocuteur, le narrateur ou encore le lecteur ?

Cet aspect du roman souligne donc en même temps la dimension tragique du personnage de Razumov pour qui « lalangue », dont la « figuration la plus directe est bien la langue maternelle 868  », est équivoque à l’extrême, car lui n’a pas de mère si ce n’est la mère-patrie, la Russie. Conrad, dans le texte “Autocracy and war”, écrit et partage la phrase de Bismarck : « La Russie, c’est le néant 869  ». De même, l’origine de Razumov est une immensité sans limite et sans repère qu’il ne peut que contempler et dont il se sent l’héritier :

‘Razumov received an almost physical impression of endless space and of countless millions.
He responded to it with the readiness of a Russian who is born to an inheritance of space and numbers. Under the sumptuous immensity of the sky, the snow covered the endless forests, the frozen rivers, the plains of an immense country, obliterating the landmarks, the accidents of the ground, levelling everything under its uniform whiteness, like a monstrous blank page awaiting in the record of an inconceivable history. [...]
It was a sort of sacred inertia. Razumov felt a respect for it. (UWE 33)’

La Russie trouve son reflet dans le pouvoir qu’elle héberge, l’autocratie ; toutes deux dévorent leurs enfants : Ziemianitch, “[a] true Russian man!” (UWE 30), se noie dans l’alcool pour oublier ses craintes (“the consoling night of drunkenness”, UWE 30). La triste fin de Mikulin, “one of those powerful officials” (UWE 305), montre que

‘the savage autocracy [...] does not limit its diet exclusively to the bodies of its enemies. It devours its friends and its servants as well. (UWE 306)’

Le Nom-du-Père y est forclos : le Prince à qui est attribuée la paternité de Razumov n’a pas de nom, de même que dans Lord Jim le père du protagoniste n’est pas nommé. Jim sera d’ailleurs appelé “Mr. James” (LJ 183), comme pour éclairer plus nettement encore l’absence du nom patronymique 870 . A l’image de Stein et Marlow, certains personnages masculins de Under Western Eyes semblent fonctionner comme des images paternelles mais Razumov ne peut en accepter aucune :

‘his quest for the Paternal Metaphor is but a pretence, but a necessary one, aiming at a more absolute denial of the Father’s Law. The best appears in Razumov’s relation with Genaral T–, Mikulin and Peter Ivanovitch 871 .’

Tous sont des figures paternelles en faillite : le Général serait « le père cruel 872  » et donneur de mort, Mikulin réduit Razumov à l’état d’objet en faisant de lui un des « outils 873  » de l’autocratie ; enfin, Peter Ivanovitch est la cible de l’ironie de Razumov. Bien que ce dernier éprouve quelque attrait pour l’illustre personnage, il semble en même temps mu par le désir de tuer cet « avatar décadent de la métaphore paternelle 874  ».

Cette forclusion du Nom-du-Père empêche le nouage du symbolique aux autres ordres. C’est la raison pour laquelle les personnages conradiens sombrent si aisément dans l’imaginaire, comme le fait Jim en choisissant de mourir selon son idéal héroïque, à moins qu’ils ne rejoignent l’horreur du réel à la manière de Kurtz :

‘The Conradian hero is an outlaw in all the senses of the word since his tragic flaw lies in the refusal to live like a common mortal, combined with his denial of speech as the only symbolic means to counteract and somehow survive the power of death already at work in our living bodies 875 .’

Bien que Razumov tente de nier son statut d’être mortel en rejetant la finitude qu’impose la loi paternelle, le texte ne le condamne pas à mort. Il semble plutôt lui faire justice en l’affublant d’une surdité qui lui permet d’échapper à la loi du langage 876 . Pourtant, il ne peut s’affranchir de la toute-puissance imaginaire de la mère-patrie ou de l’autocratie, dont l’unique alternative pour un enfant de la Russie tel que lui est le discours des révolutionnaires : comme Sue, il est prisonnier d’un imaginaire qui ne peut conduire qu’à un autre imaginaire. Il n’y a donc pas d’ailleurs pour Razumov puisque cela supposerait qu’il y ait des frontières. Il ne peut fuir vers un Patusan, mais est contraint de retourner vers la terre originelle.

Tandis que Tess ou Jude sont ostensiblement marqués du sceau de la mortalité, que ce soit à cause de leur nom qui les insère dans une chaîne familiale où une génération s’éteint pour qu’une autre advienne ou à cause de la mort de leurs enfants. La logique tragique est là déployée, alors que dans le tragique conradien le modèle classique est mis à distance : Under Western Eyes introduit un protagoniste sans racine – “a nameless, therefore lawless hero 877 ” –, sans idéal, dont la mission véritable est souillée par un acte de trahison, et à qui Haldin et bien d’autres attribuent une grandeur d’âme qui n’est que semblant.

Les notions de hamartia, némésis, catharsis sont parodiées dans l’histoire de Haldin, d’une manière similaire aux références faites à Shakespeare dans Lord Jim . La famille éplorée du jeune révolutionnaire joue un rôle essentiel qui rappelle les tragédies familiales de la Grèce Antique. Son erreur de jugement est flagrante dans sa façon de voir Razumov et la rétribution du meurtre de Mr. de P– ne se fait pas attendre. Enfin la catharsis pourrait se manifester dans la volonté de Natalia de se consacrer au peuple russe, mais aussi d’une façon ironique dans ce qui conduit Razumov à se confesser.

L’ironie ressurgit alors au cœur même du traitement du tragique dans Under Western Eyes qui attribue à Haldin, « personnage zéro » du récit, toujours décrit comme absent ou spectral, les critères aristotéliciens de la tragédie. Celle-ci se fait contre-modèle 878 , simple ombre sur le texte, assaillie de toute part par le pouvoir corrosif du langage. Razumov n’est pas un héros, ni même un anti-héros, car il ne semble pas avoir d’autre pensée que pour lui-même, tant il est isolé dans un narcissisme forcené, plus extrême encore que dans le cas de Jim. Il ne rêve que de sa médaille et décide de trahir Haldin afin de recouvrer sa tranquillité. Il se construit et se révèle en tant que personnage au fur et à mesure des conversations qu’il mène avec les autres actants du roman, c’est-à-dire au travers du langage, et c’est en ce lieu aussi que se tisse la fine toile du tragique.

Tout parle dans Under Western Eyes . Ça parle. Car il n’y a pas de vie sans les mots – il n’y a pas de mort non plus sans les mots, puisque ceux de Haldin ressurgissent inlassablement dans le texte. Jacques Darras évoque admirablement ce dilemme conradien auquel Razumov est lui aussi confronté :

‘Pour avoir douloureusement accompli le même voyage que tant d’exilés d’Europe centrale de son siècle, il semble que Conrad le polonais se soit emporté lui-même définitivement hors de la langue. [...] Divorce douloureux, tellement douloureux d’ailleurs qu’il n’a plus, pour se défendre de lui-même, que la protection de l’ironie. Mais qui pourrait donc tenir longtemps sur le fil coupant de l’ironie 879  ? ’

La seule issue pour le personnage de Razumov dépend donc de sa relation au langage : il lui faut rejeter la duplicité – et c’est ce qu’il fait en choisissant de se confesser – pour ne pas sombrer totalement dans le gouffre du non-sens, dans le vide où la signification se multiplie, se ramifie et s’entrelace jusqu’à s’autodétruire 880 .

‘“I made myself free from falsehood, from remorse – independent of every single human being on this earth.” (UWE 368)’

C’est dans le châtiment que lui inflige un autre espion et à travers l’ironie d’une telle situation 881 que le texte parvient à extraire le protagoniste du tourbillon qui l’entraîne, comme Jim auparavant, vers la mort.

Grâce à Nikita qui lui brise les tympans, Razumov trouve le silence. Cet acte de violence à l’origine de la surdité du protagoniste lui permet de ne plus entendre les commérages et autres paroles qui sortent de la bouche des révolutionnaires, des autocrates ou des européens :

‘“Gossips, tales, suspicions, and all that sort of things we know how to deal in to perfection. Calumny, even.” (UWE 206)’

Cela constitue finalement un acte de libération ; Razumov devient enfin autre chose qu’un « label » (UWE 14) :

‘“Some of us always go to see him when passing through. He is intelligent. He has ideas… He talks well, too.” (UWE 379)’

Ce silence porte les traces de l’ironie qui a teinté tout le reste du récit : les mots sont devenus des gestes, les mensonges de Razumov se sont changés en paroles écoutées. Le langage comme semblant paraît avoir fait place au surgissement de la voix : voix de la sagesse, voix au-delà des discours politiques, au-delà de la question de la vérité. Razumov obtient ainsi ses lettres de noblesse une fois qu’il a accepté d’être divisé par le langage et d’en respecter les lois, moment qui coïncide avec sa surdité et sa nécessité de dépendre de quelqu’un pour survivre. 

Le symbolique, plutôt que l’imaginaire, est ainsi restauré dans son autorité mais c’est aussi le réel, suggéré par le vide du silence, qui plane sur le texte lorsque les mots cèdent leur place au regard. La menace pénètre même les discours les plus radicaux : l’autocratie russe ne cesse d’être défiée par la violence des révolutionnaires ; le discours de ces derniers ne peut se défaire du pouvoir qui règne sur la Russie car son ombre – “the shadow of autocracy 882 ” (UWE 107, 109) – les poursuit inlassablement. Dans l’espace d’un soupir, d’un mouvement (“Her shoulders moved slightly” UWE 109), d’un regard, le silence – “the silence of these ladies” (UWE 107) – permet à d’autres voix de s’immiscer. Le professeur de langues, celui qui use du langage, se trouve à plusieurs reprises dérangé par cette absence de parole, notamment face à Razumov :

‘He stared at me so queerly that I hardly know how to define his aspect. I could not understand it in this connexion at all. What ailed him? What strange thought had come into his head? What vision of all the horrors that can be seen in his hopeless country had come suddenly to haunt his brain? (UWE 196)’

L’esprit de Razumov est en effet sans cesse torturé par l’intrusion d’autres voix, que ce soit le rappel des mots écrits par Haldin ou le grincement émis par Nikita. Ses propres pensées ne peuvent se libérer de l’emprise qu’exercent sur lui ces voix étrangères. Voilà pourquoi son personnage est inévitablement divisé, soumis au pouvoir de l’Autre du langage. “The colour of the ink and the shapes of the letters are the same” (UWE 188) nous dit-il, quelle que soit la langue ; cependant l’objet voix perce l’enveloppe sonore des mots, quelque chose d’intraduisible se dit dans les paroles qu’entend le professeur et dans le journal de Razumov :

‘La voix [...] habite dans le langage, elle le hante. Il suffit de dire pour qu’émerge, surgisse la menace que vienne au jour ce qui ne peut se dire 883 .’

C’est le personnage de Razumov qui illustre le plus distinctement cette idée, ses paroles n’étant jamais univoques, lui qui entend les échos de sa propre histoire dans chaque bribe de conversation, et qui de surcroît est victime d’hallucinations visuelles.

Car, pas plus que les mots, les personnes ne se limitent à leur présence physique. Madame de S– accable Razumov par son sourire sans vie et son regard morbide : “her angular and lifeless movements” (UWE 220), “her death’s head smile” (UWE 224) ; “her eyes were lifeless” (UWE 225) ; tout chez elle paraît déjà mort, animé d’une vie « artificielle » (UWE 225). Elle est semblable aux fantômes dont lui parle le protagoniste : “There are phantoms of the living as well as of the dead.” (UWE 224)

Les êtres vivants – les parlêtres dirait Lacan – ne sont jamais réellement et entièrement présents. Et les morts ne sont jamais totalement absents. Ainsi, le fantôme de Haldin hante l’espace infiniment blanc et inerte de la terre de Russie avant même qu’il ait été arrêté et exécuté :

‘Suddenly on the snow, stretched on his back right across his path, he saw Haldin, solid, distinct, real, with his inverted hands over his eyes, clad in a brown close-fitting coat and long boots. He was lying out of the way a little, as though he had selected that place on purpose. The snow round him was untrodden.  (UWE 36-37)’

Cette hallucination semble si concrète, “had such a solidity of aspect”(UWE 37), qu’elle est plus dérangeante encore que la présence physique de Haldin car elle échappe aux critères de la représentation et à la loi du symbolique. C’est une présence spectrale, qui profite des interstices ouverts dans le champ de la vision ou du langage pour surgir :

‘All this was bad. And all this was Haldin, always Haldin – nothing but Haldin – everywhere Haldin: a moral spectre infinitely more effective than any visible apparition of the dead. (UWE 299-300)’

Razumov voit le fantôme de Haldin lorsqu’il est confronté au vide et au non-sens de la Russie. Lorsqu’il se retrouve à Genève, en terre étrangère, il y entend le récit des exploits du jeune révolutionnaire et les mots que ce dernier a écrits à son sujet. L’absence n’est donc jamais représentée comme telle dans Under Western Eyes . Les spectres occupent les espaces laissés vide par la disparition d’un personnage. Les vivants eux-mêmes ont une qualité spectrale, car si le souvenir de Victor Haldin s’estompe doucement, c’est que Natalia hante désormais l’esprit de Razumov : “It was she who had been haunting him now” (UWE 342).

Il n’y a donc nulle part l’espoir d’un Patusan pour le protagoniste de Under Western Eyes . L’indicible et l’invisible, le silence et le vide, l’objet regard et l’objet voix, par leur absence supposée, prennent possession de l’espace. La mort même est habitée de fantômes 884 . Razumov vivra donc, condamné à voir et à parler. N’entendant plus les voix des autres, il doit apprivoiser les autres voix qui l’obsèdent. Il ne peut revenir en arrière et effacer le passé comme Jim au Patusan, mais il lui faut le dire,lui donner voix sonore en se confessant pour qu’il cesse de le hanter, d’être une voix spectrale, désincarnée, toute-puissante.

Dans l’univers de Under Western Eyes , le rêve de paix – “concord 885 ” (UWE 104) – de Natalia reste utopique car le monde est régi par les lois belliqueuses du langage. Ce rêve pointe seulement dans les regards qu’elle échange avec Razumov, dans l’écoute qui passe par le silence :

‘It was as though he were coming to himself in the awakened consciousness of that marvellous harmony of feature, of lines, of glances, of voice, which made of the girl before him a being so rare, outside, and, as it were, above the common notion of beauty. (UWE 342-343)’

De même à la fin du roman Razumov n’entend plus. Il est libéré du sens qui faisait de lui un être divisé, un maître dans l’art de la duplicité du langage, mais il voit et comprend. Ses paroles sont apaisées puisque les interférences entre lui et le silence ont disparu : il sait parler nous dit Sophia Antonovna (UWE 379). Car il a trouvé sa voix, la voix pure qui traverse le langage au-delà de la lettre, au-delà des mots, comme l’écrivain trouve un style :

‘Aucune réalité humaine (symbolique) n’est pensable hors de ce rapport à la voix et à la cicatrice qu’elle laisse dans la traversée où elle s’évanouit, en devenant écriture sur les tables du corps 886 .’

C’est aussi ce que doit faire le lecteur pour ne pas achopper sur les écueils d’un récit aussi complexe que Under Western Eyes . Il faut écouter le texte nous chuchoter ses secrets au travers de la lettre et suivre le précieux conseil que donne l’auteur de L’Ombilic et la voix : « Comment lire ? En écoutant 887 . »

Il n’y a donc pas de hors langage dans Under Western Eyes 888 puisque l’indicible retentit dans le silence. Mais se dessine avec insistance, comme en ombre chinoise, « lalangue » à l’image des fantômes qui surgissent dans cet univers émaillé de visions contradictoires. Tandis que Jim recherche dans la mort la négation totale de la division du sujet, le protagoniste de Under Western Eyes doit souffrir et ne mourir qu’à demi pour trouver sa voix. Il ne peut totalement faire taire les autres voix puisque les révolutionnaires viennent entendre ses conseils.

Le dialogisme est nécessaire dans ce texte moderne qui rejette l’obscurantisme (UWE 34). Selon Sophia Antonovna,

‘“There are evil moments in every life. A false suggestion enters one’s brain, and then fear is born – fear of oneself, fear for oneself. Or else a false courage – who knows?” (UWE 379)’

Le tragique est pour Conrad, comme pour Nietzsche, inscrit en filigrane dans chaque instant de la vie humaine 889 et indissociable de la teneur linguistique de cette vie. L’erreur et l’errance sont constitutives de toute individualité et le langage ne fait qu’accentuer cette propension à la méprise et à la duplicité. La faille qui divise un sujet est inévitable et même nécessaire : c’est ainsi que Peter Ivanovitch, amoureux d’une pauvre paysanne, apparaît plus humain, que la sincérité de Sophia aide à accepter sa dévotion à la violence du mouvement révolutionnaire, ou encore que Razumov trouve sa singularité et sa dignité.

Cette errance, c’est celle de tout sujet condamné à être séparé de son être par la nécessité de la signification. Le langage engendre à la fois le lien social et la tragédie humaine. Il est chaînon et division, à l’image du professeur de langues qui appartient au monde occidental. Son personnage nous invite à rencontrer Razumov, le Russe, “one of us” (UWE 159) diront les révolutionnaires, cette même expression que Marlow, le narrateur, utilise pour désigner Jim.

La froide Russie évince donc l’image du Patusan, et le roman n’offre à Conrad d’autre choix narratif que l’attitude prétendument détachée d’un observateur occidental. Le narrateur adopte la position d’un sujet divisé, “a mute witness of things Russian, unrolling their Eastern logic under my Western eyes” (UWE 381) – un voyeur silencieux qui prendra la parole pour donner voix au regard.

Notes
867.

Milner, p. 22. Selon Jacques-Alain Miller, « lalangue » est « la parole avant son ordonnancement grammatical et lexicographique. C’est aussi bien la mise en question du concept de parole, conçue alors non pas comme communication mais comme jouissance. » (J. A. Miller, « Les paradigmes de la jouissance », p. 25)

868.

Ibid., p. 21.

869.

Conrad, Notes on Life and Letters, p. 94. L’anneau qu’utilisa Bismarck pour imager sa remarque sur la Russie n’est pas sans rappeler celle donnée à Stein puis à Jim au Patusan. La bague pourrait être un symbole de l’écriture conradienne, dont le contour lumineux borde le vide, dont les mots ornent le néant.

870.

Alors que chez Hardy le Nom-du-Père dysfonctionne il est en même temps terriblement présent dans le récit. Ce n’est que temporairement qu’il peut être forclos, et ce uniquement pour le personnage de Sue.

871.

Paccaud-Huguet, “The Name-of-the-Father in Conrad’s Under Western Eyes”, p. 211.

872.

Ibid., p. 211.

873.

Ibid., p. 212.

874.

“Peter Ivanovitch could be seen as a degenerate avatar of the Paternal Metaphor”, ibid., p. 213.

875.

Ibid., p. 215.

876.

“Those who were born in problematic parentage circumstances may be (or feel) thereby excluded from the condition of ordinary mortals; the door is then open to the realm of imagination, where the subject may believe himself free from human ties […], free from mortality (hence Razumov’s attempts at denying death in all its connections), and free from men’s common use of speech (which accounts for his verbal duplicity).” Ibid., p. 215.

877.

Ibid., p. 216.

878.

Voir supra, p. 330.

879.

Darras, p. 44.

880.

Jakob Lothe suggère que le roman dans son ensemble suit également une trajectoire qui à la fois lui confère un ton ironique et accentue l’impact du récit sur le lecteur : “Large sections of the novel are distinguished by a strikingly effective psychological realism which seems to defy, or run counter to, the problematic position and function of the language teacher.” (Lothe, Conrad ’s Narrative Technique, p. 303) Cette double entité de l’œuvre rappelle la dualité du texte de Lord Jim  : “the book is not only both an “exotic adventure story” and “a complexly wrought “art novel” ”, but it is also one in which these two characteristics are curiously intertwined.” (Ibid., p. 134, cite Thomas Moser, in Lord Jim , Norton, p. ix)

881.

“Nikita, nicknamed Necator, with a sinister aptness of alliteration!” (UWE 266) est un personnage grotesque, cruel à l’extrême, chargé entre autres choses d’exécuter les espions. L’ironie s’entend déjà dans la voix de ce personnage qui blesse l’oreille (“pierced the ear ridiculously”, UWE 266). De plus, Sophia Antonovna affirme à la fin du roman qu’il est lui-même un espion : “well, he has turned out to be a scoundrel of the worst kind – a traitor himself, a betrayer, a spy! Razumov told me he had charged him with it by a sort of inspiration…” (UWE 380). Ce qui différencie Razumov de Nikita, c’est que le dernier endosse la duplicité comme une seconde peau, sans souffrir d’être ainsi divisé.

882.

Cette ombre aux yeux de Conrad est celle de la mort : “The conceptions of legality, of larger patriotism, of national duties and aspirations have grown under the shadow of the old monarchies of Europe. […] But under the shadow of Russian autocracy nothing could grow. […] It can only end.” (Conrad, Notes on Life and Letters, p. 97)

883.

J.A. Miller, in Quarto n° 54, p. 51. La citation suivante de Mikhaïl Bakhtine soutient une idée similaire : « Aucun membre de la communauté verbale ne trouve jamais des mots de la langue qui soient neutres, exempts des aspirations et des évaluations d’autrui, inhabités par la voix d’autrui. Non, il reçoit le mot par la voix d’autrui, et ce mot en reste rempli. » (Todorov, Le principe dialogique, p. 77)

884.

On se souvient ici de Hardy qui ne concevait pas la mort comme une fin, voir supra, p. 157, n. 30.

885.

Ce terme apparaît dans “Autocracy and War” (“Concord and Justice”, Notes on Life and Letters, p. 97), soulignant un peu plus l’investissement « hétérobiographique » de Conrad dans l’écriture de Under Western Eyes (voir supra, pp. 335).

886.

Vasse, p. 200.

887.

Vasse, p. 218.

888.

Jakob Lothe montre de quelle manière le langage et l’écriture plus particulièrement influent sur la destinée de Razumov : “Concluding, then, I would emphasize the complicated relation between the sustained concern that Under Western Eyes shows with the problem of writing and communication and with the psychological issues which we have noted, and which stand as a paradigm of Razumov’s development towards the confession with which the novel culminates. Though problematic, writing has its advantages too: Razumov is forced by his loneliness and moral anguish to write, but he also manages to use writing as a means of freeing himself from his guilt.” (Lothe, Conrad ’s Narrative Technique, p. 293) Le langage est aussi vital pour Razumov qu’il l’est pour l’écrivain.

889.

Voir supra, p. 333, n. 140.