Le « gnomon » au principe de la spirale logarithmique : la loi géométrique la plus simple

Dans son chapitre sur « La spirale équiangle », d’Arcy Thompson fait une proposition qui innove quelque peu dans la mesure où il produit une de ses synthèses nouvelles (au sens qu’il a donné à la synthèse mathématique que l’on pourrait dire seconde : la synthèse « symbolique » entre des phénomènes disparates via des formulations mathématiques déjà synthétiques) fondée sur le concept de « gnomon » 221 . Il représente sous un nouveau jour ce que Schimper, Braun et les frères Bravais avaient depuis longtemps représenté de façon isolée : la génération mathématique d’une spirale logarithmique à partir de la réitération de gnomons sur une figure initiale donnée. La spirale logarithmique (ou spirale équiangle) est ainsi douée de « similitude continue » 222 . C’est le cas des inflorescences successives de la plante commune appelée bourrache : chaque pousse y forme un angle constant (d’où le terme « équiangle ») avec la précédente mais est de taille toujours inférieure à elle d’un même rapport. Dans ces conditions, selon d’Arcy Thompson, « chaque pousse constitue ou définit un gnomon de la structure qui la précédait » 223 . Or, si nous observons ce genre de mathématisation, nous ne pouvons pas dire qu’elle ressortisse directement à une analyse mécanique ou par les causes physiques. Elle dépend en fait d’une simple observation qui semble devoir passer pour une évidence : la spirale logarithmique bien connue est la conséquence de la loi de croissance la plus simple, une croissance des parties en proportions constantes. Et c’est elle « que la nature a choisie » 224 dit-il. D’Arcy Thompson ne propose donc pas d’explication mécanique à proprement parler pour cette représentation géométrique d’une morphogenèse ; mais il s’appuie sur l’intuition d’une certaine simplicité de la loi de croissance communément rencontrée dans la nature vivante et qui donne ainsi lieu à des spirales. Sans renoncer à toute explication mécanique, il fait donc globalement fond sur une sorte de principe d’optimalité que la nature suivrait sur ce point. De plus la généralité des gnomons, reconnue depuis l’Antiquité semble plaider pour une pertinence supplémentaire. Nous sommes donc bien dans le cas où une analogie, devenant géométriquement assez précise, de par la construction constante d’une spirale logarithmique dans divers milieux et pour divers organes ou objets naturels, semble pouvoir manifester clairement une homologie. Car c’est le « gnomon » qui incarne ici explicitement l’identité des raisons, racine de toute homologie, puisqu’il peut tout aussi bien et identiquement être un nombre entier, qu’une figure géométrique ou qu’une pousse de bourrache.

Notes
221.

Le « gnomon » est une forme géométrique qui s’ajoute à une première, et ainsi la fait croître, mais ne la fait pas pour autant changer globalement de forme. D’Arcy Thompson appelle cela la « propriété de similitude continue », [Thompson, d’Arcy (Sir), 1917, 1961, 1994], p. 188.

222.

[Thompson, d’Arcy (Sir), 1917, 1961, 1994], pp. 187 et 188.

223.

[Thompson, d’Arcy (Sir), 1917, 1961, 1994], pp. 195.

224.

[Thompson, d’Arcy (Sir), 1917, 1961, 1994], p. 187.