La forme des feuilles et la ramification

D’Arcy Thompson côtoie également les formes végétales par un autre abord : celui de la forme des feuilles. Pour illustrer le fait que les morphologistes devraient plus souvent prendre en compte la dynamique mécanique de mise en place des formes, dans le cadre de sa « théorie des transformations continues », d’Arcy Thompson propose de faire remarquer qu’il faut souvent imputer les apparentes dissymétries de croissance de la feuille aux seules différences entre les vitesses de croissance selon ses divers axes. Ainsi les dissymétries bien connues des feuilles de bégonia témoigneraient de cette dissymétrie entre les vitesses de croissance, des deux côtés des feuilles, de part et d’autre de leur axe. Nous constatons donc que, là encore, c’est bien une dynamique de croissance conçue sous sa forme la plus simple (le rapport entre les différentes valeurs numériques des vitesses de croissance locale) qui détermine une représentation mathématisée de la forme globale. Il s’agit donc là aussi d’un recours à un principe mécanique d’optimalité, plus exactement à un principe de simplicité maximale dans la dynamique.

Enfin, en ce qui concerne la mathématisation des ramifications, dans l’édition de 1942 de On Growth and Form, d’Arcy Thompson se contente essentiellement de rendre compte des travaux théoriques déjà existants, effectués par un certain nombre de physiologistes depuis le début de 19ème siècle et visant à expliquer la valeur des angles que forment entre eux les vaisseaux sanguins 225 . Il fait notamment une place de choix aux recherches du biologiste britannique Cecil D. Murray dans la mesure où ce dernier obtient des résultats prédictifs satisfaisants (correspondant aux mesures trouvées) tout en dispensant le morphologiste de recourir à des principes finalistes voire vitalistes du genre de « l’axiome de Hofmeister » reconnu alors par un grand nombre de botanistes. Comme d’Arcy Thompson se fonde sur une simple reprise de ces travaux et que, de plus, ce sont ces travaux qui donneront lieu, par la suite, à toute une série de recherches (poursuivies jusqu’à aujourd’hui), dans la mesure également où ils ouvrent des voies fécondes et où ils dépassent déjà la vision homologique-mécaniste de d’Arcy Thompson sans que celui-ci en prenne d’ailleurs véritablement conscience, nous allons le quitter ici en ouvrant notre enquête à ces physiologistes qui se sont interrogés sur les causes de la morphologie ramifiée des êtres vivants et qui, pour cela, en ont mathématisé la représentation.

Notes
225.

[Thompson, d’Arcy (Sir), 1917, 1961, 1994], pp. 139-144.