Chapitre 4 – La bio-« hydraulique » de Cecil D. Murray (1926-1930)

Dans ce chapitre, nous allons présenter des travaux témoignant d’une évolution nette de la mathématisation de la morphogenèse au moyen d’un passage par des explications physiques certes encore mécanistes, et donc toujours en réaction par rapport aux modèles statistiques, mais cette fois-ci nettement importées de ces sciences plus descriptives que sont les sciences d’ingénieur, en particulier l’hydrodynamique. Il faut voir dans cette inflexion la marque du souci qu’ont eu les physiologistes du début du siècle de disposer de lois mathématisées effectivement calibrables et réellement opérationnelles pour la compréhension précise et le diagnostic, notamment pour la médecine. Ce souci se retrouve déjà fortement chez un des précurseurs de cette approche qu’est le physiologiste Cecil D. Murray (1897-1935). Dans les années 1920, Murray est en poste au Département de physiologie de l’Université de Columbia, à New York. Il travaille sur le terrain, notamment aux côtés des médecins de cette même université. Or, à travers la construction de la « loi de Murray », la biologie formalisée va recourir non plus à la mécanique générale mais à la mécanique des fluides : il s’agira de mathématiser les formes vivantes via une science d’ingénieur et de rendre la physique plus appliquée de manière à mieux appliquer les mathématiques à la biologie des formes. En effet, il s’avère que les phénomènes mécaniques que connaissent les êtres vivants ramifiés ne sont pas toujours aussi simples ni aussi séparables, puis combinables en leur manifestation, que d’Arcy Thompson voulait bien l’admettre. La combinaison que promettent les mathématiques nécessite que les éléments entrant dans le formalisme aient été auparavant davantage rapprochés des éléments en interaction dans le phénomène réel. Il faut donc décomposer le phénomène en une série de différents facteurs mécaniques concourants.