Conclusion. Formalisations de la morphogenèse avant l’ordinateur, déracinement et résistances

Avant d’en venir à un bilan sur l’état des modèles et des théories mathématisées de la morphogenèse autour de 1955, il est instructif de revenir un moment sur le contenu de la formation dispensée par Rashevsky et ses pairs au département que l’Université de Chicago avait tout particulièrement créée pour eux : le Committe on Mathematical Biology. Dans quel esprit la biologie théorique forme-t-elle ses élèves ? C’est en 1947 que Rashevsky a créé à Chicago une formation doctorale, sans doute la première au monde, de « biologie mathématique ». Or, ce que dispense ce cursus de formation est en lui-même révélateur des attentes épistémologiques de son fondateur et de ses collègues. C’est en cela qu’il nous intéresse. Rashevsky a dû toute sa vie lutter pour faire entrer cette discipline dans le panthéon des matières académiques traditionnelles 435 . Pourtant, avec son approche et son cursus de formation, Rashevsky propose une biophysique qui tranche avec celles qui se développent dans d’autres cadres et d’autres problématiques.

Notes
435.

En 1965, dans la préface du livre synthétique qu’ils ont codirigé, Talbot H. Waterman et Harold J. Morowitz, rattachés respectivement au « département de biologie » et au « département de biologie moléculaire et biophysique » de Yale s’expriment ainsi : ”For a number of reasons complete coverage and a strictly unified point of view have not been achieved. To begin with, theoretical and mathematical biology is not yet so well defined or well developed that it is a universally recognised, strongly interconnected, coherent area of science […] Consequently, choices of inclusion and emphasis both by the editors and by the authors reflect this somewhat unsettled and controversial character of the subject”, [Waterman, T. H. and Morowitz, H. J., 1965], p. vii.