Ramification à partir d’une « pousse »

Dans l’article de 1962, Ulam imagine de surcroît qu’avec une règle bien choisie pour la naissance des cellules selon le voisinage, on peut également simuler la croissance d’une structure ramifiée. C’est donc la première fois qu’il simule la branchaison d’un arbre en simplifiant à l’extrême la grille et les règles. La grille est triangulaire : c’est précisément celle qui servait au traitement du problème des réactions nucléaires binaires. Et le point de départ est constitué d’une seule cellule positionnée sur la grille. La règle qu’il choisit impose de créer une cellule lorsqu’un et un seul côté de la case considérée se trouve en contact avec une case occupée. Si l’on considère qu’il s’agit d’une croissance végétale, la continuité spatiale est donc assurée. Et des ramifications, déjà assez réalistes du point de vue de la figuration, peuvent apparaître simultanément à des endroits différents sur la tige principale en train de se former. Ulam emploie même à dessein le terme de « tronc » ou « tige » 605 [« stem »] pour bien montrer l’analogie qu’il y a à faire. Le mot « génération » 606 , sous sa plume, finit même par être écrit entre guillemets alors qu’auparavant, dans un pur contexte de physique nucléaire, Ulam l’utilisait sans cette précaution. C’est que, là aussi, il a clairement conscience que s’effectue un glissement conceptuel pour ces formalismes, d’une expression de problèmes valant en physique nucléaire à une expression de problèmes similaires mais valant en biologie de la forme. La notion de « croissance » elle-même a pris la place de celle, moins parlante, de « multiplication » car les résultats des générations précédentes ne sont pas effacés [« erased »] et servent de « tronc » commun aux nouvelles pousses.

Toujours est-il qu’Ulam travaille aussi et surtout, non pas à calibrer exactement ces « modèles d’accrétions » sur la réalité mais à essayer de donner « un aperçu sur la quantité d’‘information’ nécessaire pour décrire les structures apparemment énormément élaborées des objets vivants » 607 . Autrement dit, il rejoint quand même le projet de von Neumann sur ce point : même si, pour ce faire, il spatialise ses formalismes, il cherche avant tout des comportements stables ou asymptotiques qui puissent donner lieu, au final, à des formulations théoriques synthétiques et en des termes interprétables à un niveau informationnel.

Notes
605.

[Ulam, S., 1962], p. 216.

606.

[Ulam, S., 1962], p. 215.

607.

“… to throw a sidelight on the question of how much ‘information’ is necessary to describe the seemingly enormously elaborate structures of living objects”,[Ulam, S., 1962], p. 215.