De la physique à la biologie

Pour nous aider dans ce travail de sondage, nous ne partions toutefois pas de rien dans la mesure où nous avions à notre disposition un ensemble de publications récapitulatives produites par des scientifiques eux-mêmes au début des années 1960. En effet, à cette époque-là, les langages évolués 663 et les nouveaux matériels, dits de troisième génération 664 , se sont déjà bien répandus dans les universités américaines. Il devient donc plus facile de programmer de longs calculs. En outre, sous l’impulsion des physiciens le plus souvent, le développement de la gestion centralisée des machines et, plus spécifiquement, de l’utilisation des gros calculateurs met ce temps de calcul à disposition des autres départements universitaires qui sinon n’auraient pas sans doute eu pour priorité financière ou technique de recourir à ces machines. Comme nous l’avons déjà évoqué, c’est le MIT qui, avec le projet MAC lancé en 1961, concrétise systématiquement le time sharing 665 au niveau de la recherche universitaire. Ce concept s’impose au vu de l’accélération considérable des temps de calcul des machines en comparaison de la stagnation, voire de l’augmentation, des temps de conception et de programmation nécessaires aux scientifiques et programmeurs, cela à cause de la complexité croissante des tâches demandées et malgré le recours à des langages évolués. Ces calculateurs chers et puissants que les universités acceptaient d’acheter, risquaient donc d’être immobilisés l’essentiel de leur temps pour des raisons autres que leur simple fonctionnement comme calculateurs. Pour toutes ces raisons, il fallait donc partager le temps de calcul.

Notes
663.

FORTRAN (FORmula TRANslator) est créé dans première version en 1954, ALGOL (ALGOrithmic Language) en 1958. La version IV de FORTRAN est diffusée en 1962. Voir [Lévènez, E., 1999], p. 1. Même s’il faudrait s’entendre sur la définition précise de langage informatique, en 1999, Eric Lévènez évoque l’existence de près de 2500 langages existant ou ayant existé dans le monde, ibid. L’objectif d’ALGOL (émanation du COBOL lui-même institué par l’administration américaine) « était de suivre de très près la procédure mathématique de solution algébrique des problèmes », [Ramunni, G., 1989], p. 163. ALGOL eut un certain succès en France. Voir les nombreux travaux sur les procédures ALGOL à destination des ingénieurs et programmeurs mis en œuvre aux cours des Recherches Coopératives sur Programme n°30 et n°136 du CNRS. Ils donnèrent lieu à publication : [Kuntzman, J., 1967] et [Gastinel, N., 1970].

664.

[Bertin, J., Ritout, M. et Rougier, J.-C., 1967], p. v.

665.

Les ingénieurs français reprendront la définition du MIT en 1967 : « Nous définirons l’emploi partagé comme une multiprogrammation dans laquelle l’utilisateur a possibilité d’accès direct à la machine tout en étant assuré d’un temps de réponse aussi voisin que possible de ce qu’il serait s’il était seul à disposer de la machine », [Bertin, J., Ritout, M. et Rougier, J.-C., 1967], p. 16. Cet ouvrage rend compte des différentes écoles qui existaient alors au sujet des techniques à privilégier pour partager le temps de calcul.