La rencontre avec les mesures : rapprocher la simulation des détails du réel

Il en est déjà autrement dans le travail qu’il produit, en parallèle de ces travaux sur les tissus, avec le botaniste américain Jack B. Fisher. C’est en effet également en cette même année 1977 que Honda va, par ailleurs, concrétiser sa collaboration avec la botanique descriptive. Il se trouve qu’au moment où Honda infléchit son travail vers la simulation géométrique de la mécanique des tissus, le jeune botaniste Jack B. Fisher, alors en poste au Jardin Tropical de Fairchild à Miami, travaille sur le développement de la ramification d’un arbre tropical particulier, le Terminalia. Or, Fisher, en tant que botaniste, opère sur le terrain. Et il dispose d’un très grand nombre de mesures sur des arbres réels. Prenant connaissance en 1975 du premier article de Honda dans ce domaine, il perçoit très vite la possibilité d’une collaboration fructueuse : pourquoi ne pas affiner encore la simulation architecturale théorique de Honda au point de la calibrer sur des mesures réelles ? Selon Fisher, il serait en effet très utile de disposer de la description précise de la couronne des arbres :

‘« Les formes des couronnes des arbres sont souvent d’une importance pratique chez les arbres à bois, à fruits ou d’ornement, et elles constituent une base pour la stratégie adaptative des espèces. » 1359

En effet, selon la thèse alors récente du botaniste américain H. S. Horn, publiée dans son ouvrage The adaptative geometry of trees en 1971, la couronne des arbres constitue en grande partie le lieu où s’exprime l’adaptation des arbres, aussi bien quant à leur environnement qu’eu égard aux autres espèces d’arbres 1360 . Travailler à calibrer une simulation sur des arbres réels permettraient donc à la botanique descriptive de proposer davantage d’outils de prédiction précis dans les domaines de la foresterie, de la sylviculture et de l’arboriculture :

‘« Prédiction de formes d’arbre utiles – La forme générale d’un arbre a souvent une importance pratique pour le forestier ou l’horticulteur. Il serait important de comprendre quels sont les paramètres qui transmettent les changements désirés dans la forme. Ces paramètres pourraient être sélectionnés parmi les semis et les jeunes arbres, en supposant que les paramètres en question restent constants dans un individu pendant l’ontogénie. » 1361

Or, à cette époque, pour discriminer les différents plants selon leurs structures arborescentes, les botanistes disposent surtout de l’approche morphométrique et statistique qui, aux yeux de Jack B. Fisher, semble, précisément à ce moment-là, avoir atteint ses limites. Afin de comprendre la raison principale qui va décider ce botaniste à opter pour la simulation sur ordinateur et à collaborer avec Honda aux dépens de l’analyse statistique, alors majoritairement employée, il nous faut auparavant rappeler brièvement les limites effectivement atteintes, tant dans le domaine de la morphométrie que dans celui de la morphologie causale et physicaliste des arbres, en ce début des années 1970.

Notes
1359.

“The shapes of tree crowns are often of practical importance in timber, fruit, and ornamental trees, and are basic to the adaptive strategy of a species”, [Fisher, J. B., Honda, H., 1977], p. 377. Cette idée aura ensuite beaucoup d’importance dans le développement conjoint d’une approche dite souvent « sociologique » du comportement des arbres en forêts. On y repèrera ainsi des dominants et des dominés.

1360.

[Fisher, J. B., 1992], pp. s138 et s146.

1361.

“PREDICTION OF USEFUL TREE SHAPES – The overall shape of a tree is often of practical importance to the forester or horticulturist. It would be important to understand which parameters impart the desired changes in form. These parameters could then be selected for in seedlings or saplings, assuming that the parameters in question remain constant in an individual during ontogeny”, [Fisher, J. B., Honda, H., 1977], p. 381.