La plante conçue comme métapopulation

Une fois de plus, dans cette recherche d’optimum, même si on lance empiriquement plusieurs simulations sur ordinateur, l’usage de la simulation reste donc celui d’un argument théorique ; ce qui doit être tempéré par le fait que le modèle mathématique ne prend pas en considération un certain nombre de facteurs, dont le vieillissement et l’évolution des règles du modèle lui-même. En effet, il est à remarquer que les simulations de Honda reposent toutes, dès le début, sur l’hypothèse d’un fonctionnement stationnaire des règles de ramification. Cette hypothèse fait fi du vieillissement de l’arbre et de ses parties. Elle part du principe que le déterminisme génétique est certes divers et difficile à résumer statistiquement (là est la prise en compte de son hétérogénéité) mais reste en fait constamment le même pour les mêmes opérations (ramification, élongation) et les mêmes types d’organes tout au long de la vie de la plante. Ce qui n’est grossièrement vrai que pour les plantes jeunes.

Or, en 1979, paraît un article qui fera grand bruit dans les domaines de la botanique et de la morphologie végétale et qui contribuera à réactiver la sensibilité des botanistes au vieillissement différentiel des parties d’une plante et à la non-stationnarité de leurs règles de croissance au cours de leurs vies. Il s’agit de The plant as a metapopulation du « démographe des plantes » 1377 irlandais James White 1378 , paru dans Annual Review of Ecological Systems. Sous l’influence de ses propres problématiques de biologiste des populations, habitué à percevoir des populations dans un monde végétal où la différence entre population et individu reste souvent problématique 1379 , James White ne prétend certes pas inventer la suggestion de concevoir la plante comme une colonie d’individus plus ou moins autonomes. Cette idée peut en effet être retrouvée incidemment mais régulièrement chez plusieurs auteurs, dès le 18ème siècle. Mais dans cet article tout à la fois synthétique et séminal, White retrace d’abord l’histoire conceptuelle assez complète de cette conception populationnelle de la plante individuelle et montre ensuite avec force le poids évident qu’elle doit prendre désormais aux yeux du botaniste et du morphologiste des plantes en indiquant les convergences qui se font jour. Ce point de vue, déjà payant en biologie des populations, mais rendu explicite et éclatant par White contribue, à l’époque, à mettre davantage en avant la variabilité des déterminismes génétiques à l’intérieur d’un individu végétal au cours de son ontogenèse, donc au cours de sa vie. En plaidant pour un rapprochement résolu entre la démographie des plantes et la morphologie des plantes, White met ainsi l’accent sur la plasticité des déterminations génétiques au cours de la morphogenèse 1380 . Dans l’immédiat, il ne pense cependant pas que l’on puisse remplacer l’ancien « idéalisme morphologique » 1381 par un autre, de nature populationnelle celui-ci, mais il considère qu’il revient au contraire à chaque chercheur de déterminer pragmatiquement l’unité élémentaire qu’il doit considérer à chaque fois pour sa propre problématique.

Notes
1377.

“plant demographers”, [White, J., 1979], p. 122.

1378.

Alors en poste au Département de Botanique du University College de Dublin.

1379.

Cela est notamment évident pour les plantes à rhizomes. Voir [White, J., 1979], p. 122.

1380.

[White, J., 1979], pp. 133-134.

1381.

Selon son expression : “morphological idealism”, [White, J., 1979], p. 134.