L’orientation de la recherche génétique à l’IFCC : l’amélioration des plantes

Il y a de très nombreuses manières d’améliorer le rendement d’une plante cultivée. D’un point de vue général, aucune d’entre elles n’est exclusive des autres, même si ponctuellement les solutions préconisées peuvent se contrarier : soit l’on tente de jouer sur l’écologie de la plante en lui trouvant un environnement, une altitude favorable ou un ensoleillement optimal ; soit on tente d’influer sur sa production, au moyen d’une approche physiologique intervenant directement sur l’assimilation en nutriments, l’apport artificiel de différentes substances : eau, engrais et produits chimiques divers ; soit on tente de la protéger des parasites ou des maladies par le recours à d’autres sortes de produits chimiques ; soit l’on développe une pratique culturale adaptée de coupe, de taille, d’élagage ou de recépage ; soit enfin on tente d’intervenir en amont, et plus directement, sur les déterminants génétiques de la plante. C’est là que l’on trouve les pratiques de sélection, de croisement et d’hybridation propres à l’agronomie.

Ainsi, dans cette dernière perspective, au lieu de privilégier l’adaptation de l’environnement à la plante, on travaille, au contraire, à créer des variétés nouvelles, génétiquement mieux adaptées à l’environnement existant et aux conduites culturales que l’on sait mener avec les moyens techniques et humains dont on dispose. Bien entendu, ces pratiques de sélection artificielle sont aussi anciennes que la culture des plantes ou l’élevage des animaux. Mais ce sont elles qui, après-guerre et avec les récents apports de la génétique à l’agronomie, seront qualifiées plus spécifiquement de techniques d’« amélioration des plantes » aux côtés de celles qui visent à améliorer le rendement de plantes déjà existantes en opérant sur leur milieu immédiat. Comme l’indiquent les publications, à la suite de la création volontariste du service spécialisé de l’ORSTOM qui deviendra l’IFCC, toutes ces sortes de pratiques d’amélioration que nous avons énumérées ont été tentées sur la caféiculture, notamment en Côte d’Ivoire, avec des résultats assez vite encourageants dans de nombreux domaines. Mais, pour ce qui concerne la production de café ivoirien, il n’aurait servi à rien de ne travailler qu’à augmenter le rendement car le type de café obtenu initialement à partir des espèces autochtones (dite « spontanées » par les agronomes) de la Côte-d’Ivoire n’était pas adapté à la demande des consommateurs. C’est la raison pour laquelle, dès les premières années de l’IFCC, l’approche de type « amélioration des plantes » au sens strict a été fortement favorisée dans le cas du café ivoirien.

À partir de 1961, J. Capot, d’abord ingénieur agronome puis chef de la division de génétique, a donc mené, avec son équipe de techniciens et d’ingénieurs, des travaux de sélection génétique sur le café de façon à améliorer la qualité de l’espèce ivoirienne spontanée : le Coffea canephora dont le Robusta est une variété. Il est bien connu que le café Arabica ou d’Arabie possède une meilleure saveur. Il est moins amer que le Robusta. Cependant le Robusta a l’avantage d’avoir plus de corps mais surtout celui d’être plus facilement cultivable en Côte-d’Ivoire, c’est-à-dire à basse altitude (pas plus de 300 m) et sous un climat tropical régulier. Or, comme ces deux derniers facteurs culturaux ne sont pas techniquement modifiables à loisir, on voit qu’il paraît préférable d’opter ici pour une approche « amélioration de la plante ». Afin d’introduire le patrimoine héréditaire de l’Arabica dans le Robusta en retirant les avantages des deux espèces, J. Capot et son équipe de l’IFCC tentent d’hybrider les deux 1442 . À partir de 1965, ils commencent à obtenir des hybrides d’Arabica et de Robusta qu’ils vont mettre sept années à stabiliser et à évaluer correctement 1443 , jusqu’à leur publication majeure de 1972 dans la revue Café, Cacao, Thé. C’est dans cette publication que J. Capot propose l’appellation « Arabusta » 1444 pour désigner l’hybride ainsi conçu. Cette appellation fera date et sera adoptée par ses collègues, dont de Reffye.

Notes
1442.

[Capot, J., Dupautex, B. et Durandeau, A., 1968], p. 114.

1443.

Ce travail d’hybridation interspécifique n’a pas été trivial car il a fallu d’abord doubler artificiellement le nombre de chromosomes du Robusta diploïdes (1 répétition des chromosomes : 2n = 22) pour qu’ils puissent s’apparier à ceux de l’Arabica tétraploïdes (2 répétitions des chromosomes : 2n=44). La polyploïdie est très fréquente chez les végétaux.

1444.

« Ce vocable rendant bien compte de la dualité de leur constitution », [Capot, J., 1972), p. 4. Malgré leur intérêt, nous ne rendrons pas compte ici de ces recherches et de leur contexte dans le détail puisqu’elles ne se réfèrent pas directement à la problématique de la modélisation et à son évolution. Cependant, il nous faut les évoquer car ce sont elles qui mettent à disposition des agronomes un nouveau matériel d’étude qui va en retour les inciter à poser au végétal des questions précises nouvelles en vue d’une pratique de sélection variétale mieux armée. Elles contribuent donc bien à dessiner le contexte scientifique et technique des travaux de modélisation qui suivront.