Chapitre 22 – La probabilité de fructification comme caractère génétique (1971-1975)

Lorsque Philippe de Reffye rejoint l’IFCC de Côte-d’Ivoire en 1971, il trouve donc un matériel génétique déjà bien renouvelé, affiné et diversifié. L’équipe de Capot a déterminé de façon incontestée certains des avantages qu’il y avait à produire de l’Arabusta. Les parasites et ravageurs de ce « nouveau matériel végétal » semblent bien circonscrits 1445 .

Pour sa part, de Reffye passe cette première année (1971-1972) dans une station de brousse. Son rôle y est d’observer avant tout la croissance des caféiers. Commence une période assez calme pendant laquelle il vit au milieu des plantes et observe quotidiennement la fructification et la croissance de caféiers. L’heure est à la comparaison des fertilités respectives des différentes variétés désormais produites. Puisqu’il est coopérant en poste en brousse, donc assez isolé, l’IFCC lui laisse d’abord une assez grande liberté et une très grande initiative pour ses travaux. C’est ce sentiment de liberté et cette confiance qu’il apprécie et dont il sait tirer parti, même si les moyens sont relativement limités dans les conditions d’isolement qui sont les siennes. En outre, les chercheurs confirmés qui l’entourent attendent simplement de lui qu’il sache ou, tout au moins, qu’il ne craigne pas de décider par lui-même dans quelle direction il doit mener ses propres recherches.

Cependant, à terme, le but des observations qu’il mène à l’IFCC existe bien : au vu de la diversité des phénotypes désormais obtenus par les généticiens améliorateurs, il s’agit d’abord de trouver un moyen de déterminer le phénotype qui maximise le rendement. Dans ce domaine, un des objectifs plus précis est d’améliorer la productivité des hybrides Arabusta auparavant conçus par l’équipe de Capot. À l’époque, cette productivité reste en effet assez systématiquement inférieure à celle des Robusta. Le contrat des améliorateurs de l’IFCC n’est donc qu’à moitié rempli. Il est encore nécessaire de pratiquer une politique de sélection des géniteurs tétraploïdes intervenant dans la conception des Arabusta de sorte que l’on obtienne au final des caféiers à la fois plus adaptés et plus productifs. Mais cette politique ne paraît pas aisée à définir a priori dès lors qu’aucune caractéristique morphologique simple n’est susceptible à elle seule de servir de marqueur pour le rendement à venir. « Il ne suffisait pas de peser les récoltes pour comparer les productivités » 1446 , écrira-t-il plus tard. Il faut donc considérer un ensemble de caractéristiques morphologiques et voir comment leurs diverses combinaisons sont corrélées avec le rendement. L’approche suggérée sera donc d’abord d’inspiration biométrique puisqu’il s’agit de prendre en compte de nombreux facteurs et leurs co-évolutions. En s’appuyant sur ses connaissances en statistiques et sur les ouvrages disponibles à l’IFCC, c’est bien en premier lieu dans cette perspective que de Reffye choisit de se placer pour aborder la question du rendement des caféiers.

Notes
1445.

[Capot, J., 1972], p. 15.

1446.

[Reffye (de), Ph. et al., 1996], p. 3.