Le rôle de la technique : le HP 9820 et le langage HPL (Hewlett-Packard Language) 1535

Dans l’article de 1976, de Reffye et Snoeck insistent aussi sur le caractère décisif qu’il y a à disposer pour ce faire de ce qu’ils appellent un « calculateur programmable ». Au début de son travail à l’IFCC, de Reffye avait eu beaucoup de mal à faire tous les calculs qu’il souhaitait conduire. À son arrivée en Afrique, il ne disposait que de machines à calculer électromagnétiques ou mécaniques. Pour sa thèse de 1975, il n’avait encore qu’une machine à calculer électronique à mémoires Monroe 1536 que son directeur de laboratoire, qui n’était autre que J. Snoeck, avait finalement réussi à lui obtenir. Dans la première version de son programme, de Reffye dessine lui-même à la main les arbres obtenus par le calcul ou bien encore, il les fait dessiner par un assistant de recherche ivoirien de l’IFCC qui se trouve être un très bon dessinateur : Valentin Yapo 1537 . Un de ces dessins « manuels » déterminés par les résultats précis du programme sera d’ailleurs publié tel quel dans l’article de 1976 à côté de ceux obtenus plus tard par table traçante.

Mais, par la suite, de Reffye va bénéficier d’une aide décisive. Comme pendant cette période ivoirienne, il est parfois amené à fréquenter les physiciens de la Faculté d’Abidjan, il se trouve que deux d’entre eux, Marchand et Lapasset, vont s’intéresser à son travail. Ils vont le conseiller techniquement et l’informer de l’apparition toute récente de machines programmables de bureau. Pendant un certain temps, en 1975 et 1976, ces derniers vont lui laisser un libre accès au calculateur programmable de la Faculté de physique : le tout nouveau calculateur Hewlett-Packard HP 9820 A, sur le marché depuis 1972 1538 . Un tel calculateur est dit programmable en ce qu’il permet d’intégrer des fonctions logiques avec des fonctions mathématiques classiques dans une production formelle unique : un programme. Ce programme devient le lieu d’un entrelacement étroit, et pas à pas, entre le formalisme logique, le formalisme algébrique et le formalisme analytique. L’organigramme proposé, malgré sa mixité, peut ainsi aisément y être implémenté.

Il faut noter que le prix de la version de base de cette machine égale celui des machines Monroe les plus évoluées de la même époque : environ 1300 dollars. L’IFCC prévoit donc d’en acheter une, mais pas dans l’immédiat, et de Reffye travaille d’abord uniquement sur la machine qui lui est prêtée. C’est donc grâce à la mise à disposition d’un tel appareil qu’il peut, en autodidacte, s’initier à la programmation et au langage de programmation d’Hewlett-Packard dérivé du FORTRAN qu’est le HPL (Hewlett-Packard Language) et qu’il peut publier, avec J. Snoeck, l’article du premier trimestre de 1976.

Notes
1535.

Pour les données techniques de ce passage, nous nous sommes aidé de [Hicks, D., 1995-2002], notamment de la fiche technique de la HP 9820 disponible plus précisément à l’adresse www.hpmuseum.org/hp9820.htm.

1536.

La « Monroe Calculator Company » a été fondée en 1912 aux Etats-Unis. Cette firme a commercialisé parmi les premières machines électriques à additionner. Ces dernières étaient d’ailleurs souvent construites en Italie pour le compte de Monroe. Les machines électroniques Monroe ont ensuite été parmi les premiers calculateurs électroniques de bureau à transistors et à circuits intégrés. Elles ont été construites à partir de 1968, essentiellement au Japon, sur le modèle de machines Canon. La politique de la compagnie Monroe a consisté à ne pas concevoir de machines programmables mais à proposer des mémoires (avec des registres fonctionnant par délai acoustique, fabriqués par NEC) et des fonctions scientifiques assez complexes en accès direct sur le clavier, notamment dans les versions dites « 1920 » du milieu des années 1970. La logique de conception et d’utilisation y restait donc fondamentalement arithmétique et non algébrique. Ces machines coûtaient alors entre 700 et 1300 dollars de l’époque. Pour ces informations, nous nous sommes appuyé sur des documents diffusés sur Internet : [Bensene, R., 2002] et [Monroe Computer Museum of America, 2002].

1537.

Dans la partie « Remerciements » de sa thèse d’Etat de 1979, de Reffye remerciera nommément et personnellement tous les assistants de recherche qui l’ont aidé, dont Valentin Yapo. Dans leur grande majorité, ces techniciens sont des autochtones en poste à l’IFCC.

1538.

Pour une présentation technique, voir notre annexe D.