« Matérialiser » la représentation pour caractériser la verse du caféier

Au début de l’année 1976, le modèle de croissance continue semble remplir la fonction qu’en attendaient les agronomes. Jusqu’en 1980 au moins, il sera notamment utilisé pour évaluer l’impact des engrais sur la croissance, comme en témoignera un travail plus tardif de J. Snoeck que nous évoquerons bientôt. Mais, dans cette même problématique de perfectionnement de la représentation des plantes en vue de l’amélioration de leur rendement par sélection génétique, la préoccupation de de Reffye devient quelque peu différente en cette année 1976. Un phénomène limitant majeur est en effet apparu dans le développement des hybrides « Arabusta » de l’équipe de J. Capot : la verse 1539 . Dans le cas de l’hybride nouvellement conçu, ce phénomène, déjà connu pour d’autres variétés, devient à ce point fréquent et donc limitant pour le rendement (puisque les fruits en souffrent directement) que la pratique qui s’est mise en place à l’IFCC pour y remédier consiste à recourir systématiquement à des tuteurs en très grand nombre. Or, ce qui peut se faire dans une station d’essai n’est pas économiquement envisageable pour une production intensive normalisée : les coûts en temps et en main d’œuvre y seraient prohibitifs. Ne pas recourir au tuteurage dans ces conditions serait néanmoins dramatique car, le caféier étant une plante arbustive productive pendant plusieurs années et non un végétal dont l’exploitation totale se fait sur une seule année, le dommage causé par la verse « concerne non seulement l’année en cours, mais aussi les années suivantes » 1540 .

Il faut donc tâcher de sélectionner les clones d’Arabusta qui seraient les plus résistants à la casse ou à la verse. Or, pour ce faire, s’ils peuvent s’appuyer sur ce qu’ils constatent de visu du comportement moyen sur le terrain de certains clones d’Arabusta, les agronomes manquent de marqueurs précis et discriminants pour une telle sélection. De Reffye pense alors qu’il peut modifier son programme de modélisation de croissance dans le but de donner à voir plus précisément quels sont les facteurs clés qui interviennent dans ce phénomène de verse. Car il faut que ces facteurs décelés analytiquement (mais par le recours à une représentation synthétique complexifiée) soient en même temps précisément et aisément mesurables par le sélectionneur. Là encore, il ne s’agit pas d’expliquer théoriquement les phénomènes mais de trouver une échelle pertinente de mesure à laquelle se trouvent certains caractères de l’arbre (encore à déterminer) ayant pour propriété de donner lieu une fois insérés dans un modèle logico-mathématique non seulement à une prédiction conforme aux résultats finaux mais aussi à une prise objective plus précoce sur les phénomènes aux yeux du sélectionneur. Cette prise est « objective » si elle part d’observables précis et discriminants donnant eux-mêmes lieu à une interaction opérationnelle sur l’objet d’étude ultime propre à la problématique scientifique considérée ici, à savoir le caféier et son génotype. Par cette nouvelle modélisation, de Reffye pense en fait qu’il va pouvoir « caractériser » au sens fort du terme la verse du caféier. En effet, dans le travail du deuxième article de 1974, il avait décelé ce qu’il avait appelé deux « caractères » génétiques transmissibles et inaperçus jusqu’alors : les probabilités P1 (probabilité de formation des cerises) et P2 (probabilité de formation des grains). De même, en procédant à une modélisation des comportements mécaniques des tiges et des rameaux en croissance, il pense pouvoir exhiber le ou les « caractères » conditionnés par la génétique et qui déterminent eux-mêmes le risque de verse. Ce seraient alors ces caractères mesurables qui commanderaient une sélection précise et rigoureuse et non plus empirique, c’est-à-dire à vue, sur les seules performances globales de terrain.

Notes
1539.

C’est la tendance qu’ont les caféiers ou d’autres arbres à voir leur tige ou leurs rameaux plier sous la charge des fruits qu’ils portent.

1540.

[Reffye (de), Ph., 1976], p. 251.