La sous-pollinisation chronique du cacaoyer

En ce milieu des années 1970, un problème bien connu des agronomes fait en effet l’objet de grandes attentions de la part des chercheurs de l’IFCC : la sous-pollinisation chronique du cacaoyer. Alors que ce problème ne se pose pas pour le café et qu’il paraît suffisant dans ce dernier cas de se pencher sur la seule croissance de l’arbre et l’apparition de ses fleurs, le contrôle des facteurs limitants du rendement du cacaoyer nécessite au contraire que l’on se penche d’abord sur les différents vecteurs environnementaux du pollen (vent, insectes…) afin de comprendre l’origine de cette sous-pollinisation. En 1975, des études déjà assez précises sur le transport de pollen avaient été effectuées par un entomologiste de l’IFCC (B. Decazy) et par des agronomes de l’Université de Yaoundé (F. Massaux, C. Tchiendji et C. Misse) au Cameroun. Ils employaient une technique expérimentale habituellement mise en œuvre en physiologie, écophysiologie et écologie, par ailleurs souvent corrélée à une modélisation de type compartimental : le suivi de flux, de substances ou d’agents par marquages radioactifs. Ils ont ainsi développé une technique de suivi de pollen par un traceur radioactif susceptible d’être contenu sans dommage dans la fleur du cacaoyer : l’isotope 32P du phosphore. Après l’échec de leur première solution qui avait consisté à injecter cet isotope dans le tronc du cacaoyer (à cause de la trop faible dose d’isotope parvenant dans ce cas à la fleur et donc au pollen), ils en vinrent à mettre au point une technique plus adaptée, mais plus délicate, d’injection directe dans la fleur. Il leur devenait ensuite possible de mesurer directement, par compteur Geiger-Müller, l’intensité de la radioactivité parvenue sur les autres fleurs alentour. Cette radioactivité ne pouvait être due qu’au déplacement de grains de pollen ou d’insectes venant d’une fleur marquée initialement par les expérimentateurs :

‘« Toute fleur marquée retrouvée sur les arbres de la parcelle atteste soit la présence de grains de pollen, soit la simple visite d’un insecte contaminé. » 1560

Les conclusions qu’ils ont pu tirer des mesures étaient limitées étant donné que les visites infructueuses y figuraient également. De plus, cette mesure par compteur Geiger-Müller n’était pas un décompte ; ce n’était que l’évaluation d’une intensité de radioactivité :

‘« Cette technique n’est donc valable que pour apprécier l’intensité des visites d’insectes sur les fleurs. » 1561

Ainsi, avec une telle technique, il est impossible de reconstituer précisément les différents types de scénario de pollinisation qui sont la cause de ces mesures expérimentales. Les résultats permettent en fait surtout de chiffrer la décroissance des déplacements de grains de pollen en fonction de la distance à l’arbre initialement marqué. D’autre part, puisqu’il est néanmoins possible de mesurer la radioactivité des insectes eux-mêmes, il se confirme que toutes les espèces d’insectes rencontrées (au moins 25 en tout !) sont susceptibles d’être des agents pollinisateurs, et que le vent ne peut pas en revanche être considéré comme un agent décisif puisque ses expulsions de pollen, certes importantes, ne sont pas suffisamment directives, au contraire de celles des insectes. Les résultats de cette technique de suivi restent donc assez limités. La nature des agents vecteurs est mieux connue, mais il n’est pas possible d’évaluer le résultat global de la pollinisation, c’est-à-dire la distribution de pollen sur les styles 1562 , ni les processus précis grâce auxquels il y est apporté.

Notes
1560.

[Massaux, F., Tchiendji, C., Misse, C. et Decazy, B., 1976], p. 167.

1561.

[Massaux, F., Tchiendji, C., Misse, C. et Decazy, B., 1976], p. 167.

1562.

Le style est, dans la fleur, la partie allongée du pistil qui se situe entre l’ovaire et le ou les stigmates.