Une « démonstration » par simulation ?

Ensuite, lorsque les grains sont sur les styles, il y a un autre type de micro-événement biologique qui survient : la plus ou moins grande « efficacité » du grain de pollen 1601 . Or, on ne sait comment représenter la distribution des grains efficaces dans la population totale des grains : l’expérience n’y a pas accès. Mais il y a deux modèles simples et crédibles qui peuvent a priori s’imposer. Si le pourcentage de grains de pollen efficace est constant et ne dépend pas du nombre de grains déposés sur le style, on peut montrer directement, par simple calcul algébrique, que la composition des deux lois, loi de Pareto et loi linéaire simple, donne encore une loi de Pareto de même coefficient comme résultante. La loi de répartition des grains de pollen efficaces serait donc de même forme que la loi de répartition des grains de pollen présents en totalité sur le style. Mais si la distribution de grains de pollen efficaces suit une loi binomiale, il n’est en revanche pas possible de la composer analytiquement avec la loi de Pareto. Toutefois il est possible d’en tirer la même conclusion : la loi de Pareto conserve sa forme.

Pour « démontrer » que cela est aussi valable pour le cas hypothétique d’une loi binomiale régissant l’efficacité du grain, de Reffye procède alors à une simulation. Avec un petit bout de programme employant la méthode de transformation inverse reprise de Naylor et Balintfy, il fait tirer au hasard par la machine un échantillon de 1500 fleurs pollinisées en lui faisant composer pas à pas (et non pas de façon analytique) les deux tirages aléatoires, le premier réglé par la loi de Pareto (présence des grains sur le style), le second réglé par la loi binomiale (efficacité ou non de chaque grain tiré). Le résultat de la simulation est présenté sous forme graphique (grâce à l’usage de la table traçante) et est publié tel quel dans l’article de 1978 pour avoir force de preuve : le faciès résultant est bien visiblement et également celui d’une loi de Pareto 1602 . Toutefois de Reffye hésite à affirmer que la simulation seule vaut comme démonstration en tant que telle. Voici exactement ce qu’il écrit :

‘« Si q(x) [loi de répartition des grains efficaces dans le total des grains de pollen] est une loi binomiale, on peut démontrer, par simulation, que la courbe du pollen efficace est peu différente de celle obtenue pour la loi q(x) = kx [à pourcentage de grains efficaces constant] (fig. 7) [référence à un graphique où sont affichées sur le même repère orthonormé « nombre de styles (ordonnée) portant un nombre donné de grains (abscisse) » les deux courbes simulées pour les deux lois]. En effet, les catégories ont la même espérance mathématique kx et la loi binomiale répartit symétriquement les catégories par rapport à cette espérance. » 1603

Dans la seconde phrase, de Reffye se sent donc obligé d’ajouter ce qu’il juge être le véritable argument explicatif (« en effet » écrit-il ) : même s’il ne peut l’exprimer de façon analytique, il nous demande de voir de façon évidente, donc par une espèce d’intuition mathématique mais non visuelle ni graphique cette fois-ci, que les catégories grains efficaces/grains non efficaces sont traitées indistinctement par la loi de Pareto. Les deux processus étant apparemment indépendants, l’espérance de leur composition semble donc devoir être la composition de leurs espérances.

Notes
1601.

On dit qu’un grain de pollen sur le style est efficace si : « 1- il germe, 2- il pénètre dans l’ovule, 3- il empêche toute pénétration ultérieure dans cet ovule, qui n’est donc plus disponible », [Reffye (de), Ph., Parvais, J.-P., Mossu, G. et Lucas, P., 1978], p. 256.

1602.

[Reffye (de), Ph., Parvais, J.-P., Mossu, G. et Lucas, P., 1978], p. 257.

1603.

[Reffye (de), Ph., Parvais, J.-P., Mossu, G. et Lucas, P., 1978], p. 257. C’est nous qui soulignons.