Simulation : l’analyse pour la synthèse

Comme de Reffye l’a montré dans le paragraphe précédent, il faut partir de considérations qualitatives au vu de l’allure de la courbe résultante pour distinguer les contributions respectives de chaque sous-modèle. Or, il est possible d’aller plus loin en ce sens. Il apparaît que l’on peut chiffrer ce faisant certains paramètres des sous-modèles en présence : c’est notamment le cas du paramètre ‘a’ de la loi de Pareto qui peut se mesurer indirectement sur la courbe résultante tracée à partir des données entrées dans le calculateur. Dans une deuxième étape, le programme demande que l’on entre dans sa mémoire les coordonnées des points que l’utilisateur a donc auparavant décelés lui-même sur le tracé fourni à l’issue de la première étape. Employant ensuite les équations des sous-modèles, reformulées pour l’occasion de façon à exprimer les paramètres inconnus en fonction des nouveaux points mesurés sur la courbe simulée, le programme fait le calcul des paramètres des sous-modèles. La phase de synthèse proprement dite peut alors commencer, puisque tous les sous-modèles sont enfin interprétés et chiffrés. De Reffye justifie cet objectif comme suit :

‘« Il reste toutefois à effectuer une simulation pour vérifier l’exacte concordance entre le théorie et l’observation, à savoir que les paramètres et les lois mises en évidence sont nécessaires et suffisants pour expliquer les processus biologiques observés. » 1607

Notons que le dispositif logico-mathématique de sous-modèles mathématiques successifs et imbriqués logiquement au moyen de l’infrastructure du programme est ce que de Reffye appelle, dans ce contexte, la « théorie » de la récolte de fèves. Selon le passage précédent, la simulation a donc clairement pour fonction de permettre à la « théorie » d’être « vérifiée ». C’est là reprendre le propos qui avait déjà été le sien à ce sujet dans l’article de 1977. Mais l’autre intérêt de cet extrait est de nous proposer un équivalent assez précis de ce qui est appelé une « vérification » de théorie par simulation. Une telle vérification consiste dans le fait que la simulation rend manifeste la « concordance » entre le dispositif logico-mathématique et les phénomènes mesurés en champ. De Reffye ne parle pas ici de représentation mais seulement de « concordance » : il faut que la simulation montre que l’on a d’abord trouvé les bons facteurs biologiques (« nécessaires et suffisants ») et qu’on les a ensuite reliés pertinemment à des modèles mathématiques (donc eux aussi « nécessaires et suffisants ») censés leur correspondre. L’utilisation de la formule courante « nécessaire et suffisant » indique l’idée que l’on a transposé le problème biologique dans un contexte logico-mathématique avec le double souci, pour ce transfert, d’une économie de l’information (« nécessaire ») et toutefois d’un maintien intégral de l’information pertinente (« suffisante »), comme cela peut se produire entre deux ensembles qui sont en relation bi-univoque ou de bijection. La théorie n’a donc pas pour objectif de restituer tout le détail en tant que tel, mais de restituer quand même au besoin tous les détails terme à terme qui seront utiles à l’objectif de contrôle et d’explication. Conformément à son étymologie, le terme « explication » retrouve alors tout son sens d’un dépliement suffisamment détaillé et approfondi des phénomènes micro-événementiels « impliqués » (repliés sur eux-mêmes) dans le phénomène global. Comme on le voit, dans ce cas de figure, la « théorie » formelle n’est donc plus à penser prioritairement comme une formule mathématique succincte et abstractive.

Notes
1607.

[Reffye (de), Ph., Parvais, J.-P., Mossu, G. et Lucas, P., 1978], p. 264.