La simulation détaillée du trafic des insectes : un problème de « file d’attente » (1980)

Tout d’abord, pendant ces années-là, et toujours en collaboration avec le biologiste J.-P. Parvais, de Reffye poursuit son travail sur la pollinisation complexe du cacaoyer. Il apparaît de plus en plus nettement que les deux cacaoyères expérimentales appartenant à l’IFCC et situées en Côte-d’Ivoire (Divo et Bingerville) ont des rendements bien différents parce qu’elles subissent des conditions de pollinisation différentes. Ces différences sont probablement dues à des dissemblances dans le flux et dans les espèces d’insectes pollinisateurs. Mais la source de ces dissemblances n’est pas repérable précisément par les techniques de modélisation antérieures. Par rapport à la méthode adoptée en 1977, il faudrait donc ne plus se contenter d’un simple décompte du total des insectes présents dans chaque fleur. Il serait au contraire nécessaire de détailler encore plus et de prendre en considération la diversité de leurs espèces et de leurs comportements. En effet :

‘« Le pourcentage d’insectes capturés dans une fleur peut dépendre de modalités différentes. Ainsi un temps de stationnement long dans la fleur associé à un faible nombre de visites peut donner un taux d’insectes par fleur identique à celui fourni par un grand nombre de visites associé à un temps de stationnement court. » 1618

La collaboration avec un entomologiste comme N. Coulibaly 1619 paraît donc indispensable pour se donner les moyens de distinguer au moins les espèces les plus représentatives de cette diversité. Or, comme l’indique encore sa position de premier signataire de l’article de 1980 1620 , c’est encore de Reffye qui propose ici un modèle mathématique pour traiter cette question particulière. Comme nous allons le constater, la forme mathématique en est nouvelle même si elle se rattache toujours aux modèles de simulation aléatoire de type Monte-Carlo. Allant au rebours de l’article de 1978, il apparaît clairement que la modélisation doit se pencher à nouveau sur l’amont de la fructification des cacaoyers, c’est-à-dire sur la pollinisation. Ce faisant, elle impose d’aller plus loin encore dans le détail des vecteurs de pollens. La seule notion de « passage efficace » avait suffi dans l’article de 1977 parce qu’il s’agissait d’interpréter la forme de la répartition finale de grains de pollen sur les styles et le type général de trafic d’insectes qui en était une des sources. Or désormais, il s’agit de restituer, avec leurs différents scénarios, les divers micro-événements types qui peuvent conduire à une répartition finale donnée. Il faut donc que ce modèle soit susceptible de permettre la discrimination entre les espèces d’insectes ou, tout au moins, entre les différents ordres d’insectes pollinisateurs en fonction de leurs habitudes de trafic entre fleurs et en fonction de leurs durées de stationnement dans les fleurs. C’est en formulant de cette manière le problème que de Reffye a l’idée de le rapporter aux questions de « files d’attentes » telles qu’elles sont traditionnellement modélisées en recherche opérationnelle depuis les années 1950.

Notes
1618.

[Reffye (de), Ph., Parvais, J.-P., Coulibaly, N. et Gervais, A., 1980], p. 83.

1619.

N. Coulibaly a suivi une formation initiale d’ingénieur agronome au début des années 1970. En 1974, il soutient un DEA d’entomologie à l’Université Paul Sabatier de Toulouse. Son mémoire de DEA rend alors compte d’une pratique d’élevage d’insectes sur milieu artificiel. Une fois nommé chargé de recherche à l’IFCC, sur les pas de l’entomologiste J. N’Guyen Ban et en collaboration avec lui, Coulibaly applique cette nouvelle technique d’élevage artificiel (en remplacement de la technique classique d’élevage sur milieu naturel reconstitué) à une espèce de chenilles qui sont des ravageurs du cacaoyer (Earias biplaga), cela afin de mieux en connaître la biologie. La plupart de ses travaux toucheront par la suite la question des ravageurs ou des pollinisateurs du cacaoyer.

1620.

[Reffye (de), Ph., Parvais, J.-P., Coulibaly, N. et Gervais, A., 1980], p. 83.