L’agronomie et les formules mathématiques fonctionnelles

À la fin de l’article de 1981, les auteurs principaux, G. Mossu et D. Paulin, insistent sur l’intérêt qu’il y a à disposer désormais d’un outil formel aisé à manipuler. Pour l’évaluation du rendement, objectif agronomique essentiel, ils ont procédé à un tri dans les formalismes que de Reffye avait proposés et rendus mutuellement compatibles grâce à son programme de simulation intégrale de 1978. Si l’on veut bien nous passer l’expression, ils ont en quelque sorte « désarticulé » cette représentation logico-mathématique mixte, et qui procédait fleur à fleur, pour lui faire parler à nouveau le langage de la moyenne, le langage mathématique de ces comportements moyens qui mènent de la fleur au fruit. Mais c’est éloigner de nouveau le modèle d’une représentation plus fidèle. Redevenant fonctionnel, le modèle redevient en même temps abstrait et non susceptible de validation pas à pas. Cependant leur modèle fonctionnel n’est pas dépourvu de validation acquise en cours de construction, même si, pour accréditer leur approche, les auteurs insistent plutôt sur la faible marge d’erreur finale par rapport à ce qui est mesuré en champ (15%), donc sur une validation de type a posteriori. Effectivement, dans ce cas particulier, le retour à la modélisation phénoménologique classique n’a pu être orchestré que parce qu’un travail plus fin et plus « réaliste » de simulation avait précédé celui-ci et avait auparavant validé pas à pas les sous-modèles ainsi que leurs paramètres respectifs (bornes inférieures et supérieures, exposant de Pareto, etc.). C’est bien la maîtrise quantitative doublée d’une compréhension biologique de ces divers paramètres, acquise auparavant par la simulation, qui a permis en retour que l’on se construise un modèle mathématique plus global. Car c’est à l’aide d’une nouvelle mise en scène interprétative et crédible de ces mêmes paramètres que la formule générale du rendement a pu être exprimée. Cette mise en scène est crédible parce que l’on peut la comprendre dans le détail et donc voir si l’on accepte les hypothèses simplificatrices les concernant. En ce sens, la simulation par modélisation fractionnée a permis à une nouvelle modélisation globale de se mettre en œuvre et de s’accréditer.

Quoi qu’il en soit, au vu des publications qui suivront dans la revue Café, Cacao, Thé, la pratique de la modélisation fractionnée, auparavant introduite et soutenue par de Reffye, ne sera pas véritablement relayée telle quelle à l’IFCC, après son départ pour la métropole. Et l’article que nous venons d’évoquer est en ce sens bien représentatif d’une ré-inflexion vers une modélisation mathématique plus classique car davantage tournée vers le fonctionnel, le phénoménologique global et le calculable. Dans cette perspective et de façon d’ailleurs significative, ce que de Reffye appelait depuis au moins 1980 un « micro-ordinateur » 1647 , ses collègues le considère encore en 1981 comme un « calculateur » 1648 alors même qu’ils ont assidûment fréquenté cette machine en présence et avec l’aide de de Reffye. Cela peut toutefois se comprendre. À partir du moment où l’objectif que l’on a consiste à construire un modèle mathématique calculable sous la forme d’une équation simple, toute l’aide que l’on trouvera pertinente de demander à l’ordinateur sera essentiellement de type calculatoire : il s’agira de lui faire calculer ou de lui faire résoudre le modèle mathématique, un point c’est tout.

Notes
1647.

[Reffye (de), Ph., Parvais, J.-P., Coulibaly, N., Gervais, A., 1980], p. 84.

1648.

Voir supra le passage laconique déjà cité : [Mossu, G., Paulin, D. et Reffye (de), Ph., 1981], p. 157.