Premières applications : médiatiques

Selon l’expression d’un article collectif des membres de l’AMAP, dès le milieu des années 1980, le laboratoire tient à disposition des chercheurs de véritables « maquettes informatiques » 1876 . Grâce au travail de Jaeger, ces maquettes sont visualisables en trois dimensions. Elles sont intégrées dans des scènes où peuvent figurer des bâtiments, des villes… Elles peuvent présenter de véritables jardins botaniques virtuels. En effet, pour la première fois, et à la différence des précédentes tentatives (comme celle de Aono et Kunii), des simulations de l’architecture des végétaux ont une véritable assise botanique. Certains spécialistes comme Hallé lui font confiance alors qu’ils étaient restés sceptiques face aux essais purement théoriques et a priori fondés sur les fractales ou les L-systèmes. Hallé n’était pourtant pas resté réfractaire aux approches informatiques. Il avait même rencontré Lindenmayer entre 1975 et 1978, lors de certaines visites à son collègue Oldeman qui était alors en poste aux Pays-Bas. Mais les deux chercheurs ne s’étaient pas du tout entendus sur les termes d’une éventuelle collaboration, en partie à cause de l’approche trop formaliste de Lindenmayer. Au contraire, Jaeger et de Reffye convainquent d’autant plus Hallé et ses élèves botanistes que leurs simulations bénéficient d’une visualisation encore nettement améliorée grâce aux nouveaux écrans. Le principe de la validation par « l’œil de l’expert » invoqué par de Reffye vaut plus que jamais.

Mais, en dehors de l’école de Hallé, l’engouement des botanistes reste mitigé, à l’époque. Les agronomes et les écophysiologistes sont encore moins séduits. Pour tout dire, le premier intérêt du logiciel de Jaeger vient surtout du fait qu’il se prête à des applications qui ne sont pas d’abord agronomiques ni même botaniques : elles sont médiatiques. Ses créateurs en sont très conscients : la valorisation en sera facilitée d’autant. La thèse de Jaeger mène ainsi à la création de films à vocation pédagogique réalisés à partir de ses simulations. On peut y voir par exemple la croissance d’un caféier décomposée et analysée en 200 étapes pour une durée de 1 minute 30 1877 .

Très rapidement, la médiatisation du travail de de Reffye et Jaeger est considérable. Le logiciel, résultat de cette thèse, a rapidement été vendu sur la base de contrats passés avec des sociétés spécialisées en imagerie de synthèse, dont la SESA 1878 et ce, sous le nom d’AMAP, avec la licence du CIRAD. Il est présenté et attire une grande attention au Forum des Nouvelles Images de Monte-Carlo de février 1987. De nombreuses images créées avec AMAP sont alors publiées dans les revues grand public : Pour la Science (avril 1987), La Recherche (juin 1987), Le Courrier du CNRS (n° 299, spécial « imagerie scientifique »), Computer Graphic World (juillet 1987), Science et Vie (août 1987) 1879 . Les résultats graphiques de cette nouvelle approche font ainsi beaucoup pour sa popularité et surtout pour la renommée mondiale du CIRAD. Ils lui servent en quelque sorte de vitrine ou de carte de visite. De manière symptomatique d’ailleurs, les premières images virtuelles sorties de l’AMAP servent au CIRAD pour faire des cartes de vœux. Les préoccupations agronomiques semblent alors très lointaines…

Dans sa thèse de 1987, Jaeger s’attache également à montrer que des scénarios variés d’implantation et de croissance d’arbres en jardin aménagé ou en milieu urbain sont simulables et que cela peut constituer une aide à la décision pour le professionnel en urbanisme. L’acquisition par la société SESA du programme-source matérialise le projet d’intégrer cette nouvelle méthodologie de modélisation dans les chaînes graphiques commerciales déjà existantes. Ainsi, certains logiciels de Dessin Assisté par Ordinateur (DAO) proposent rapidement les fonctionnalités d’AMAP pour la synthèse d’images.

Notes
1876.

[RFF, 1995, vol. 47], p. 71.

1877.

Référence donnée par [Jaeger, M., 1987], p. 127 : Les Films du Centaure, réalisateur : P. de Roubaix.

1878.

[Jaeger, M., 1987], p. 134.

1879.

[Jaeger, M., 1987], p. 134.