Rigueur formelle et perte de sens

Car la simulation numérique oblige à penser avec plus de rigueur les concepts modélisés. Elle ne tolère pas l’ambiguïté puisqu’elle se fonde sur une formalisation des objets. C’est pourquoi, tous les travaux qui émanent de l’AMAP débutent avec la fixation d’un vocabulaire rigoureux pour les phénomènes botaniques considérés. Du fait qu’elle part d’une description de la genèse de la plante à un niveau inférieur à celui adopté par Hallé, l’approche de l’AMAP tend à disperser la notion de modèle architectural selon toutes ses manifestations effectives mais sans lui conférer en échange une logique unitaire. La thèse de Jaeger se fait l’écho de cette dispersion, de cette fragmentation, telle qu’elle est répercutée par l’approche informatique de type procédurale. Certains travaux alors en cours essaient de remédier à cette perte de signification, dont les recherches de Claude Edelin 1890 sur « un continuum architectural ». En fait, ce que le premier logiciel AMAP montre, c’est que les botanistes doivent se remettre au travail. Nous verrons que ces tentatives pour fédérer les modèles sous une algèbre plus formalisée et unitaire reviennent périodiquement et qu’elles ne sont pas étrangères au rapport que l’AMAP entretiendra finalement avec l’approche par L-systèmes. Un essai de solution sera apporté plus tard.

Mais auparavant, il paraît manifestement plus urgent de rétablir les liens avec les agronomes, notamment si l’on ne veut pas que l’AMAP soit trop en porte-à-faux par rapport à la définition des tâches de son institution d’accueil, le CIRAD. Cela paraît possible si l’on poursuit le projet initial de Françon et de de Reffye de rendre la simulation informatique encore plus réaliste du point de vue botanique et en particulier quant à son processus de génération : il faut intégrer le réel parallélisme du fonctionnement des bourgeons. Le souci de réalisme des botanistes 1891 , que partage aussi Françon mais pour des raisons qui lui sont propres et que nous connaissons, pourra alors être satisfait. Cela peut sembler pour l’heure la seule voie pour une réconciliation avec les agronomes puisque l’on pourrait ensuite envisager de faire paraître les processus d’allocations de matière pas à pas grâce à la prise en compte de la photosynthèse. La maquette, étant plus réaliste du point de vue de l’histoire de la croissance, pourra devenir plus fonctionnelle aussi et moins descriptive.

Notes
1890.

[Blaise, F., 1991], p. 133.

1891.

Francis Hallé a aussi été un des premiers à inciter au passage à la modélisation de la gêne : voir [Reffye (de), Ph., Edelin, C., Jaeger, M. et Cabart, C., 1986], p. 234 : « [Intervention de Hallé après l’exposé transcrit ] : Deux orientations seraient intéressantes : la taille des arbres et son incidence sur la production de fruits ; la gêne entre les arbres dans une forêt. »