Le deuxième logiciel simule le parallélisme (1991)

C’est le second étudiant de Jean Françon, Frédéric Blaise, qui va être chargé du passage à la simulation du parallélisme, entre 1988 et 1991. La réorientation vers le pragmatisme et l’opérationnel du laboratoire du CIRAD favorise ainsi l’approfondissement d’une approche de la simulation qui serait utilisable par le botaniste comme par l’agronome, quelle que soit l’esthétique des images. La preuve que l’on pouvait faire les plus belles images ayant été apportée à la face du monde de l’infographie et des bailleurs de fonds potentiels (bureaux d’études et industriels), il faut désormais convaincre les biologistes et les agronomes. Le modèle mathématique doit tirer un peu plus de leçons de la physiologie, sans s’y laisser noyer pour autant. On voit donc déjà que la fonction pragmatique du modèle (le modèle-outil), au sens de Legay, est en quelque sorte rejointe par ce biais. Mais notons bien que de Reffye accepte de s’en rapprocher graduellement. Là est peut-être toute la différence. Il n’avait pas pour ambition de faire que sa simulation explique d’emblée la physiologie, même localement. Mais il se trouve que c’est une fois que la description très complète de la structure est acquise que la réintégration de la fonction est envisagée.

Comme le premier logiciel traite les axes un à un et ne simule pas véritablement l’évolution parallèle des méristèmes, les collisions inter- et intra-couronne dans l’arbre ainsi que la gêne à l’illumination ne peuvent pas être prises en compte, car les méristèmes ne « savent » pas où sont ceux qui les environnent au moment de leur test de croissance. Avec cette approche en préfixé, cela signifie que l’on n’a pas encore assez discriminé, dans les probabilités des méristèmes, ce qui est dû au génotype et ce qui est dû aux conditions du milieu 1892 . On ne peut donc affirmer que l’on ait de bonnes valeurs pour ces probabilités intrinsèques, même si le rendu est réaliste. Autrement dit, les probabilités locales ne formalisent pas un phénomène biologique élémentaire. Le « réalisme » doit devenir davantage botanique encore et ne pas rester de surface. Car on ne peut rigoureusement considérer la croissance d’une partie de plante comme totalement indépendante de celle des autres. Ses parties s’entr’empêchent à toutes les étapes de la croissance. Autrement dit, on n’a pas encore tiré tout le parti que l’on pouvait de la métaphore de la population dans cette idée de la plante conçue comme métapopulation de méristèmes. On n’est pas si certain d’avoir isolé des caractères génétiques assez « élémentaires ».

Au début des années 1990, de Reffye ne renonce donc pas à cette vision détaillée de la plante. Au contraire, il la prolonge et l’approfondit. Dans cette deuxième approche, il s’agit donc de simuler également les interactions incessantes à l’intérieur de l’arbre. Cela impose d’adopter un tout autre principe de programmation. Ce faisant, on ouvre notamment la voie à la modélisation des peuplements (donc des plantations et des forêts…) et non plus seulement à celles des plantes « individuelles ». Par là, de Reffye retrouve l’objectif qui avait été le sien juste après sa thèse, en 1980, alors qu’il était encore en Côte-d’Ivoire, à l’IFCC. L’enjeu est bien de simuler une dynamique de croissance de plante qui soit plus exacte sur le plan botanique mais qui ouvre également de nouvelles perspectives agronomiques notamment en foresterie 1893 .

Ce cahier des charges renouvelé exige encore, et plus que jamais, le recours à des spécialistes de la programmation évoluée, étant entendu qu’il faudra simuler des processus essentiellement parallèles et que l’algorithmique afférente en est encore elle-même au stade de la recherche. La culture autodidacte ne suffit décidément plus. Aussi, cette demande de compétence se fait logiquement plus pressante et la collaboration avec l’ULP de Strasbourg et l’équipe de Jean Françon se confirme avec la venue, en 1987, d’un nouveau doctorant en informatique.

Notes
1892.

[Blaise, F., 1991], p. 58.

1893.

[Blaise, F., 1991], p. 8.