3.2. De l’analyse à la théorie de l’activité entrepreneuriale.

Dans l’« Histoire de l’analyse économique » 66 , Schumpeter (1954b, pp. 39-40) propose de définir le terme de « théories » non pas seulement comme de simples « hypothèses explicatives » mais comme des ‘« schémas ou modèles simplificateurs, qui sont destinés à rendre certains aspects de la réalité et à prendre certaines choses pour règles de méthode »’. Plus encore, toute théorie est considérée comme une « boîte à outils ». Nous emploierons l’expression « théorie de l’activité entrepreneuriale » lorsque nous serons en présence d’un ensemble d’énoncés permettant d’expliquer la nature et les formes prises par l’activité entrepreneuriale d’une part et de mettre en évidence, d’autre part, le rôle joué par l’activité entrepreneuriale au sein du processus de l’activité économique d’ensemble. Plus exactement, nous parlerons de théorie de l’activité entrepreneuriale lorsque la fonction entrepreneuriale constitue un facteur essentiel pour comprendre le fonctionnement de l’économie.

Parallèlement, nous parlerons d’« éléments d’analyse » ou « d’analyse de l’activité entrepreneuriale », lorsque sont mis à jour des énoncés permettant de souligner la nature ou le rôle de l’activité entrepreneuriale, sans toutefois constituer un tout cohérent et unifié. Autrement dit, l’« analyse de l’activité entrepreneuriale » permet de mettre à jour des hypothèses qui ne permettent pas de comprendre le fonctionnement d’ensemble de cette activité économique. Le fait que l’on soit en présence d’une théorie de l’activité entrepreneuriale n’implique pas forcément que l’on puisse déterminer le résultat de celle-ci. Il s’agit en effet de conjectures qui peuvent donc être évincées par d’autres conjectures permettant d’éclairer de manière différente le même phénomène observé.

Notes
66.

Il nous faut noter ici que nous ne reprenons pas la définition de l’« analyse » proposée par Schumpeter dans cet ouvrage, même si nous adoptons dans une certaine mesure sa définition de la théorie. En effet, Schumpeter considère que l’analyse économique englobe la théorie économique, l’histoire économique, la statistique et la sociologie économique. Nous considérons quant à nous que le terme d’« analyse » est plus général que celui de « théorie ». Ce dernier renvoie à un « système cohérent » alors que nous utilisons celui d’« analyse » pour désigner des éléments d’explication qui ne constituent pas un ensemble construit d’hypothèses. Selon le Dictionnaire des Notions Philosophiques, J. Herman (1990, p. 2590), une théorie est en ce sens « un système hypothético-déductif cohérent et articulé, un ensemble infini d’énoncés clos sous l’opération de déductibilité » ou encore, d’un point de vue épistémologique « un corps de connaissances dynamique évoluant en fonction de théorèmes qui en sont déduits ». Une théorie est donc par définition toujours partielle et conjecturale.