1.2. Le véritable problème de l’économie selon Hayek : la dispersion de la connaissance

La première contribution d’Hayek au débat sur la possibilité de réaliser un calcul économique rationnel dans un régime socialiste est un article paru en 1933 et intitulé « The trend of economic thinking » dans lequel sont évoquées les idées développées plus tard dans la théorie de l’ordre spontané. Toutefois, il est généralement admis qu’Hayek s’intéresse seulement à la fin des années 1930 au problème de la connaissance et de sa coordination pour le placer au cœur de sa critique de l’économie socialiste. Dès lors, l’analyse hayekienne se développe dans différents domaines, comme le note B. Caldwell (1988, p. 532) : ‘« La critique de l’économie socialiste planifiée fut entreprise dans de nombreuses perspectives : économique, historique, philosophique et politique. Il [Hayek] entreprit ensuite la tâche positive de décrire dans sa théorie de l’ordre spontané le jeu des institutions économiques, politiques et juridiques qui selon lui auraient eu le plus de chance de résoudre le problème de la coordination »’.

Nous pouvons ainsi classer les articles d’Hayek selon quatre grandes catégories. Une première catégorie comprend l’ensemble des textes qui s’attachent à montrer qu’une économie socialiste ne peut résoudre le problème posé par la dispersion et la subjectivité de la connaissance : il s’agit d’Hayek (1937 ; 1945a ; 1946 ; 1947 et 1968b). D’autres études ne font que rappeler ou revenir sur différentes contributions au débat : on peut citer ainsi Hayek (1935 ; 1937 et 1940). D’autres textes encore envisagent le débat d’un point de vue méthodologique. Mettant l’accent sur l’importance du subjectivisme, Hayek souligne la communauté de pensée du socialisme et du positivisme, auxquels il fait référence sous l’expression d’« erreur constructiviste ». Nous pensons plus exactement à Hayek (1952 et 1970). Enfin, les contributions les plus connues 278 concernant la question de l’organisation socialiste sont l’expression d’un point de vue et d’une critique plus philosophique, politique et institutionnelle : il s’agit de Hayek (1933 ; 1944 ; 1960 ; 1966 ; 1973 ; 1976 ; 1979 et 1988).

Nous nous intéresserons essentiellement ici à la théorie de la connaissance hayekienne, puisqu’elle fonde une nouvelle conception du marché comme processus. Nous nous attacherons ainsi aux arguments développés par Hayek concernant la dispersion et la subjectivité de la connaissance, ce qui nous amènera à considérer les implications méthodologiques et épistémologiques d’une telle hypothèse.

Notes
278.

Nous faisons référence ici à The road to Serfdom (traduit en français sous le titre La route de la servitude), Hayek (1944a(b)) ; cet ouvrage en effet fut l’objet d’une revue dans le Reader Digest qui permit de faire connaître la pensée d’Hayek au grand public.