2.2. Les deux types d’action humaine : calcul économique et action entrepreneuriale

Le calcul économique qui est au cœur du débat des années 1920 ne constitue qu’un type d’action particulier. En effet, pour Mises (1949b, pp. 3-4) les phénomènes économiques ou « catallactiques » 299 sont autant de manifestations d’une catégorie plus large de phénomènes, ceux de l’« action humaine ». La théorie économique appartient donc à une théorie plus large, la « théorie générale de l’agir humain », encore appelée « praxéologie » 300 . Le concept d’action humaine est défini par Mises (1949b, p.13) comme « un comportement intentionnel » qui s’oppose aux comportements réflexes et autres réactions involontaires puisque « l’agir est volonté mise en œuvre et transformée en processus » ou encore « l’ajustement conscient d’une personne à l’état de l’univers qui détermine sa vie ». L’action est ainsi la mise en œuvre de moyens afin d’atteindre une (des) fin(s) 301 . L’action est ainsi toujours rationnelle « en ce sens qu’elle résulte d’une délibération (…) et d’un essai (…) pour atteindre un objectif déterminé » (1949b, p. 23).

Il faut donc distinguer l’« homme ordinaire » dont le comportement est routinier, qui « s’en remet à l’autorité d’autres que lui » et « est comme un mouton dans le troupeau » des hommes, peu nombreux, « qui ont le don de penser des idées neuves et originales, et de changer le corps traditionnel de croyances et de doctrines » (1949b, p. 52). Ainsi, Mises reconnaît que « la majeure partie du comportement quotidien d’un homme est simple routine ». Mais, même dans ce cas, l’homme choisit de suivre une routine, de se conformer aux schémas de pensée et de vie qui préexistent. Il y a bien donc toujours un « choix délibéré » et « une volition consciente », autrement dit une intention à l’origine de l’action.

Ce que souhaite souligner Mises est l’intentionnalité de l’action. L’intention se dessine non seulement dans le choix des fins à atteindre, mais aussi dans celui des moyens qui paraissent nécessaires à l’agent pour atteindre les fins qu’il s’est préalablement fixé. Plus exactement, le principal objectif vers lequel tend l’action humaine est l’amélioration de la situation et du bien-être de l’individu qui agit. Ainsi, pour Mises (1949b, p. 103), « l’action est un essai de substituer un état plus satisfaisant des choses, à un état qui l’est moins » et comme tout changement a un « prix », toute action a un « coût » qui n’est autre que « la valeur attachée à la satisfaction qu’il faut abandonner pour atteindre l’objectif visé ». En ce sens, pouvons nous dire que l’homme effectue un calcul lorsqu’il agit.

Notes
299.

Bien avant Hayek, Mises est celui qui réintroduisit cet adjectif dans le vocabulaire économique ainsi qu’il le reconnaît lui-même (1949b, p. 4, n. 2). Ce terme fut employé pour la première fois par R. Whately.

300.

Notons que selon Mises (1949, p. 4, n. 1), le terme « praxéologie » aurait été employé pour la première fois par A. Espinas en 1890.

301.

Certains économistes, comme Lachmann ou même parfois Hayek, s’intéressent à la même idée lorsqu’ils emploient les expressions « plan d’action » ou comme Kirzner celle de « structure moyens-fins ».