2.2. La société kaléidoscopique de Lachmann : théorie du chaos ou approche nihiliste ?

Niant l’existence d’un équilibre ou même d’une tendance à l’équilibre, Lachmann a souvent été considéré comme « un dangereux radical », ce aussi bien parmi les tenants de l’approche dominante que chez les économistes de tradition autrichienne contemporaine 449 ainsi que le note par exemple P. Lewin (2000, p. 388). Le fait de considérer que l’on ne puisse déterminer précisément quelle sera l’issue des processus de marché a ainsi conduit certains de ses détracteurs à l’accuser de nihilisme. Dans la mesure où il affirme qu’une tendance à l’équilibre n’est pas possible, certains commentateurs n’ont pas hésité à en conclure que, finalement, pour Lachmann, la théorie économique ne permet rien d’expliquer. Pourtant, telle n’est pas sa position. À cette accusation, il répond que ‘« les institutions fournissent des points d’orientation [means of orientation] »’ pour les acteurs dans les processus de marché et permettent donc d’imaginer quelle sera la direction prise par ceux-ci (1971, p. 49). Aussi nous attacherons-nous dans cette sous section à comprendre comment, selon Lachmann, les institutions interviennent dans les processus de marché et quel est en particulier leur incidence sur l’activité entrepreneuriale. Ceci nous conduira à nous intéresser au statut de la théorie économique et la direction que celle-ci devrait prendre. Des pistes quant à l’avenir et à la signification de ce qu’est l’analyse de l’activité entrepreneuriale dans la tradition autrichienne contemporaine seront ainsi mises en évidence.

Notes
449.

Nous faisons ici référence à D. Lavoie qui, après avoir critiqué l’analyse de Lachmann alors qu’il était encore étudiant à l’université de New York, publia de nombreux articles et ouvrages en l’honneur de Lachmann. Nous pensons plus précisément à son ouvrage sur l’herméneutique paru en 1991 et au recueil d’articles de Lachmann paru en 1994. R. Koppl (2000, pp. 392-393) note en outre que G. O’Driscoll et M. Rizzo qui ont publié un ouvrage publié en 1985 laissant une large place aux thèses de Lachmann mais aussi de Shackle concernant le rôle du temps et de l’incertitude, étaient eux aussi loin d’adhérer aux thèses de Lachmann lorsqu’ils étaient étudiants.