3.7. LE FONCTIONNEMENT DU DISPOSITIF ET SA CONGRUENCE AVEC LA PROBLEMATIQUE DE NOTRE OBJET D’ETUDE

En proposant ce type de dispositif, notre souci était de mettre en perspective la problématique latente dans le phénomène de l’errance thérapeutique, mais aussi d’offrir à la population la possibilité de co-construire un espace thérapeutique qui tienne compte des différents niveaux logiques mis en exergue dans les démarches thérapeutiques des patients et de leurs familles.

Le fonctionnement de ce dispositif repose sur une mise en synergie des différents volets qui en assure ainsi la pertinence dans le contexte que nous avons défini dans la justification de notre objet d’étude. Ainsi, le volet information et sensibilisation, à travers les causeries débats, permet un premier niveau d’articulation entre le malaise ressenti par les individus et les communautés et les caractéristiques sociaux, économiques, politiques et culturelles qui sont spécifiques à leur environnement.

La dynamique de ces causeries-débats repose sur un processus qui pourrait s’apparenter à la maïeutique socratique. Il s’agit d’organiser un débat autour d’un fait ou d’un phénomène, choisi en concertation avec les populations cibles, et qui se constitue comme une préoccupation pour les individus et les communautés, en les amenant progressivement à en disséquer les différents enjeux et à les élaborer. En effet, dans les sociétés modernes qui « s’anonymisent » de plus en plus, une tendance existe et consiste à évacuer des problèmes, la dimension des responsabilités individuelles et collectives et à en rejeter les causes sur quelque chose qui serait de l’ordre du conjoncturel et totalement étranger aux individus et aux communautés qui les vivent. Les causeries-débats amènent les populations cibles à une remise en question de cette attitude dans l’intelligence des problèmes qui constituent une préoccupation pour elles. Il s’instaure ainsi et de manière subtile, un véritable débat autour de la question du conjoncturel et du nécessaire, de l’universel et du singulier, qui prend en compte l’importance des désirs et des choix, tant au niveau singulier qu’au niveau des communautés, dans l’émergence et dans la gestion de ces problèmes. Ce débat permet alors une réappropriation des différents problèmes et préoccupations et leur inscription dans une dynamique intra et intersubjective. Il est ainsi mis en place un réseau de préventions mutuelles et un cadre d’alerte qui tient compte de l’importance de la qualité de la vie psychique et relationnelle et à partir desquels peuvent émerger des indications et des demandes de prise en charge.

Les patients et les familles qui arrivent au Centre de Soutien Médico-Psychologique bénéficient d’abord d’une écoute, assurée par nous-même, qui permet de repréciser la demande. En fonction de leurs problématiques, ils peuvent être pris en charge directement au Centre ou, le cas échéant, être orientés vers d’autres structures de soins et de prise en charge. D’autres patients et leurs familles s’adressent d’abord à ces structures qui les orientent ensuite vers le Centre. Il se crée ainsi une collaboration mutuelle à travers un système de références et de contre-références entre les autres structures et notre dispositif autour de la prise en charge des patients.

Pour les patients et les familles qui bénéficient d’une prise en charge au Centre, quelle que soit sa forme, un service d’accompagnement leur est proposé et mis à leur disposition si tel est leur souhait. Dans ce cas le cadre de la consultation psychologique devient un espace thérapeutique différencié qui participe du colloque singulier entre patient(s) et thérapeute. Pour cela, nous nous abstenons de participer directement aux activités des volets de sensibilisation et d’accompagnement qui sont assurées par les autres membres de l’équipe qui ne sont pas directement engagés dans des consultations psychothérapeutiques.

La spécificité du volet accompagnement réside dans le fait qu’il se déploie directement dans le quotidien des patients et de leurs communautés. L’équipe qui assure les activités de ce volet est donc immergée dans les enjeux familiaux, culturels, sociaux, économiques, professionnels et éducatifs qui influent sur le quotidien des patients et/ou de leurs communautés d’appartenance. L’objectif de ce volet est de renforcer la qualité des liens, d’en prévenir d’éventuelles ruptures, tout en prenant en compte les velléités d’individuation et de singularité, en suscitant et en consolidant un travail de subjectivation entre les individus et leur environnement (patients, familles, communautés, structures professionnelles et éducatives, etc.).

Une réunion hebdomadaire, d’élaboration et de synthèse, permet de prendre en compte les différents niveaux spécifiques de chaque volet et de les intégrer dans la prise en charge globale des patients et de leurs familles. Nous pensons que le dispositif que nous avons mis en place peut ainsi être en congruence avec les enjeux du zapping thérapeutique et dénoter d’une certaine pertinence dans la prise en charge.

Nous voulons souligner ici également, que dans les deux premières années qui ont suivi la mise en place de ce dispositif, les patients et les familles que nous recevions provenaient surtout des séances de causeries-débats ou étaient adressés par les partenaires. Mais progressivement ce « canal d’adressage » a pris une moindre importance. La plupart des patients que nous recevons actuellement nous sont adressés par d’anciens patients ou des membres de leurs familles et les autres structures de soins. Parallèlement à cela, les séances de causeries-débats connaissent une baisse d’intensité. Ceci constitue pour nous un réel signe d’encouragement par rapport à notre objectif qui est d’amener les populations à intégrer dans la quête de leur bien-être la prise en compte et le souci de la qualité de leur vie psychique et relationnelle.

Nous devons malheureusement souligner également que nous connaissons des difficultés financières qui handicapent, dans une large mesure, le fonctionnement et l’extension de ce dispositif.