3. ESTHER

Esther est une jeune femme de 33 ans. Elle nous a été adressée par les services de l’Action Sociale pour état dépressif consécutif aux décès de son mari et de ses enfants. Elle était par ailleurs en conflit avec sa belle-famille à propos de la succession de son mari.

Au premier entretien, Esther nous précisera elle-même les motifs de sa demande de prise en charge. En quatre ans, elle avait perdu successivement ses trois enfants et son époux. Après le décès de son mari, elle aurait remarqué que ses amis se comportaient « bizarrement à son égard et la fuyaient ». Cette situation et la reconsidération des symptômes dont avaient souffert ses enfants et son mari, ajouté au fait qu’elle même avait souffert d’un zona, avaient fini par la plonger dans un doute insoutenable. C’est ainsi qu’elle s’était décidée à faire le test de dépistage du VIH qui s’était révélé positif. Après en avoir parlé avec un de leurs amis qui était un agent de santé et qui avait suivi médicalement son mari, elle se serait alors rendue compte que tous savaient, depuis longtemps, ce dont souffrait son mari mais s’étaient bien gardés de le lui dire.

Elle était en conflit avec sa belle-famille qui voulait la dépouiller des biens du couple. Ainsi, quatre mois après le décès de son mari, elle se retrouvait toute seule, abandonnée, ne sachant pas combien de temps elle aurait à vivre encore et donc fortement déprimée. C’est en recherchant un soutien auprès des services sociaux qu’elle avait été orientée chez nous. Elle pensait qu’elle avait réellement besoin d’un soutien psychologique mais elle aimerait surtout « que nous la prenions comme une sœur ».

Elle insistera fortement sur ce dernier aspect de sa demande. Nous relèverons le caractère singulier de cette demande mais le rapporterons d’emblée à la forte déprime de Esther et à son engagement dans une communauté chrétienne où il était de coutume de se traiter en « frère et sœur en christ ».

Parallèlement à la prise en charge psychologique, nous proposerons à Esther de se joindre à un groupe de parole, groupe « d’auto-support » de personnes séropositives dont nous étions en lien avec le responsable et certains animateurs.

Esther refusera d’abord cette proposition en argumentant qu’elle « avait » déjà un groupe de femmes dans son église. Cependant des « déceptions » successives au sein de ce groupe et de sa communauté l’amèneront à se joindre finalement au groupe d’auto-support, sans toutefois rompre définitivement avec le groupe de femmes de sa communauté religieuse. Par la suite, elle abandonnera le groupe d’auto-support pour un autre groupe qui s’occupait d’enfants orphelins du SIDA