4.4. L’histoire de Benjamin

L’enfance de Benjamin se serait déroulée sans aucun problème jusqu’à l’âge de 18 ans où débutèrent ses troubles par des crises d’insomnie. Le père de Benjamin était l’un des premiers catholiques convertis de sa région. Il jouissait donc d’un réel respect et d’une véritable considération au sein de sa communauté religieuse. Les pères blancs et les sœurs blanches s’étaient beaucoup attachés à sa famille et lui rendaient souvent visite.

C’est sans doute à cause de cela que Benjamin nous dira qu’il avait grandi tout naturellement entre les soutanes des pères blancs et les robes des sœurs blanches.

Enfant de cœur, il était très généreux, intelligent et profondément religieux. A cause de cela, il sera, selon ses propres termes « repéré par les pères » qui avaient choisi de le préparer progressivement au sacerdoce. Lui-même en était fier et très enthousiaste car il avait beaucoup d’admiration pour les pères blancs auxquels il s’identifiait beaucoup. C’est donc sans surprise qu’il fut admis à l’internat, dans une maison de formation, après ses études primaires, pour se préparer à devenir prêtre. Brillant élève, il n’avait pas besoin d’apprendre ses leçons pour réussir ses devoirs. Il employait le reste de son temps à s’intéresser secrètement, à tout ce qui lui semblait mystérieux. Il en était venu ainsi à s’intéresser au suko et au gnongnoré dont il avait entendu parler vaguement. Il interrogeait beaucoup son père à ce sujet mais celui-ci préférait éluder toujours ses questions. Ce qui avait pour conséquence d’exciter davantage sa curiosité. Seule sa grand-mère paternelle qui résidait dans le village d’origine de son père acceptera de le renseigner. Cependant il allait très rarement au village et sa grand-mère mourra avant qu’il n’ait pu obtenir d’elle tout ce qu’il voulait savoir.

Dans la maison de formation où il était en internat, la plupart de ses éducateurs étaient des prêtres noirs. Il dira qu’il sera progressivement déçu par leur attitude car c’était de vrais hypocrites qui vivaient tout le contraire de ce qu’ils enseignaient et de ce que les pères blancs lui avaient transmis de l’idéal du prêtre. Sa curiosité l’aurait amené à s’intéresser à la vie privée de ces éducateurs « qu’il espionnait ». Il avait ainsi découvert des « choses comme pas possibles ». Un de ces éducateurs s’en était aperçu et il était rentré en conflit ouvert avec lui. Meneur, il avait conduit sa promotion à la révolte lors d’un incident. Ils furent tous exclus. Par la suite certains d’entre eux ont été « repêchés », en formulant des lettres d’excuses et de demande de réintégration. Lui avait cependant été profondément meurtri dans son idéal par tout cela et se disait « que si c’est pour être prêtre et vivre cela, ce n’était vraiment pas la peine ». C’est ainsi qu’il avait rejoint le lycée et renoncer à se faire prêtre.