5.3. La prise en charge de Justine

Outre le fait que la souffrance psychique de Justine s’était essentiellement structurée autour de la problématique de la sorcellerie, à la faveur du contexte familial, l’espace thérapeutique avait été entièrement envahi par les conflits et les problèmes quotidiens de Justine, compromettant ainsi toute tentative pour entreprendre un réel travail d’élaboration.

La situation était devenue telle que nous avons décidé de suspendre la prise en charge. Nous en aviserons la famille de Justine et lui notifierons que nous ne reprendrons la prise en charge que si une solution définitive était trouvée à la situation de Justine pour nous permettre d’entreprendre un véritable travail thérapeutique.

Après s’être concertés avec le chef coutumier de leur canton qui administrait également le village des beaux-parents de Justine, les parents de Justine décideront qu’elle regagnerait son village natal en attendant de trouver une solution « consensuelle » avec sa belle famille.

Cette mesure permettra à Justine de récupérer. Aux dernières nouvelles, elle se serait complètement stabilisée et avait repris ses activités habituelles. Les deux familles convoquées par le chef, avaient reconnu que le lévirat avait été consommé et ne pouvait se dédire. Il y avait cependant eu vice de procédure dans le rituel qui avait suivi les funérailles du mari de Justine. Les torts étaient partagés et une solution était en cours pour permettre à Justine de reprendre sa « liberté », de se remarier à un homme de son choix, même si celui-ci n’était pas de sa belle famille et de préserver ainsi sa santé. Elle ne s’était pas en effet mariée selon la coutume. Ce n’était pas « une femme donnée » et lui appliquer le lévirat serait un usage détourné et impropre de la coutume.

La situation de Justine semblait connaître ainsi une résolution définitive, mais restait la question de sa souffrance psychique, entièrement structurée sur la problématique de la sorcellerie. On peut penser toutefois que la mobilisation, autour d’elle, pour la résolution de ses problèmes quotidiens et de ses conflits avec sa belle famille, dans le cadre culturel et familial, lui offrait désormais l’étayage et le soutien communautaire dont elle avait besoin pour entreprendre un véritable travail de deuil et une élaboration de sa souffrance psychique.