2.3.2. Le cas de Justine

Dans le cas de Justine, nous pouvons dire que le recours aux référents de la culture de base, par biais de l’institution divinatoire, permettait une mise en forme et une expression symbolique de ses conflits psychiques et de son mal-être social. Ce recours confinait, cependant, l’élaboration et la résolution des conflits dans une impasse institutionnelle et structurelle. Cette impasse était due à une incompatibilité entre les réponses possibles de l’institution divinatoire dans la résolution des conflits et les exigences de la nouvelle foi de Justine. Cependant, elle était aussi et essentiellement due à une ambiguïté de la société elle-même à l’égard de ses propres institutions (traditionnelles et modernes) et dans ses rapports à son histoire. Cette ambiguïté aboutissait ainsi à une législation caduque, à des réponses paradoxales, face au malaise de l’individu et aux attitudes et comportements sociaux.

Chez Justine, cette impasse conduisait à une émergence des éléments psychiques et culturels indifférenciés et à une remontée des angoisses schizoparanoïdes qui signaient sa décompensation et sa détresse psychologique. La quête d’une réponse à cette situation amènera Justine à rechercher d’abord des solutions à ses crises et conflits auprès de sa famille de sang, et de sa famille de foi. Ces différentes tentatives, semblaient se solder par des échecs. Ce qui conduira Justine à entreprendre d’autres démarches et à manifester des velléités de rupture et d’affiliation à une nouvelle communauté qui, selon elle, était plus à même de lui offrir un étayage et de nouvelles formes de solidarité pour élaborer et dépasser ses conflits. Elle restait cependant hésitante, face à cette nouvelle perspective, qui comportait le risque d’exacerber les tensions dans ses rapports avec sa communauté d’origine et sa famille de foi.

De telles situations aboutissaient à une réelle entrave de sa prise en charge et compromettaient ainsi l’entreprise thérapeutique. C’est ce qui nous amènera à la suspendre et à signifier à la famille de Justine que nous ne la reprendrions que si une solution des tensions avec son entourage était trouvée dans le cadre familial. La mobilisation du groupe familial autour de la problématique de Justine et la reconnaissance qu’elle a pu être victime d’une utilisation perverse et d’un mésusage des pratiques traditionnelles de son groupe, semblaient apporter une « accalmie » et ouvrir des perspectives pour un véritable travail thérapeutique. La rémission que connaîtront les crises de Justine semble ainsi réaffirmer l’importance de la fonction métapsychologique du registre socioculturel dans l’élaboration de la réalité psychique et du conflit.