2.3.3. Chris et les autres

Dans le cas de Chris, le recours aux groupes de prières et de thérapies religieuses, ainsi que les nouvelles affiliations religieuses apparaissaient comme un compromis qui arrangeait tout le monde.

La conversion de Marie, la sœur aînée de Chris, et son affiliation à une nouvelle communauté et famille de foi, semblaient lui permettre de retrouver l’équilibre nécessaire pour assumer pleinement ses choix de vie et les différents conflits qui en découlaient. Elles semblaient également instaurer la distance « idéale et salutaire » dans ses rapports avec sa famille de sang.

Pour Chris, les différentes révélations et prophéties à son sujet, semblaient s’inscrire dans une communauté de déni, sur la base de l’idéologie messianique de ces groupes, qui apportait ainsi une sorte de restauration narcissique de l’idéal déchu de Chris ou du père en Chris. Ainsi, tous les ennemis de Chris seraient finalement écrasés et réduits à la poussière. Chris lui-même devenait le messie. Plus qu’un religieux, il sera prêtre et accédera aux fonctions épiscopales pour restaurer la charité, la justice et la véritable religion. Son père pouvait entretenir, de la sorte, l’illusion de l’accomplissement, in fine, de son idéal déchu. Son fils sera certainement prêtre et roi. Les recours aux groupes de thérapies religieuses et syncrétiques parachevaient ainsi la folie du père en Chris en le structurant davantage dans ses théories délirantes et en célébrant le sacrifice du fils au profit de l’idéal et de l’œuvre du père.

Cependant, l’attitude de révolte, de plus en plus exprimée de Chris et qui conduira au dernier conflit avec le père, semble relever d’une prise de conscience de sa propre réalité psychique et de sa souffrance. Elle apparaît, après coup, comme le résultat d’un travail de subversion de sa prise en charge qui révèle sa croix à Chris et restaure, en lui, le désir de construction et de réalisation de soi dans la quête du sujet singulier. Mais n’était-il pas trop tard pour la résurrection de Chris ?

Pour Benjamin et Martine, le recours au religieux et au mystique, qui sous-tendaient l’idéologie et la praxis des nouvelles formations intermédiaires, s’apparentait au retour vers une mission impossible et pour des raisons différentes.

Dans la situation de Benjamin, le religieux comme le mystique s’inscrivaient dans un rapport de désillusion progressive et narcissiquement blessante. Il se réfugiait ainsi dans une sorte d’agnosticisme et dans un rationalisme compulsif, obsessionnel et défensif, qui lui servaient de rempart pour se préserver et se prémunir contre les dangers et les embûches du monde voilé et mystérieux, contre ses propres pulsions et la femme, figure du désir.

Pour Martine, les besoins de satisfaction et de réalisation personnelles l’avaient finalement mise en porte à faux avec ses appartenances mystiques, mais surtout religieuses, à travers son divorce qui allait à l’encontre des exigences de sa foi. Pour cela, Martine nous sollicitera à plusieurs reprises et même après la fin de sa prise en charge, pour que nous la soutenions dans une démarche de requête nullité de son mariage, afin qu’elle puisse se réinscrire dans sa famille de foi et communier aux sacrements comme tout le monde.