CONCLUSION

1. SYNTHESE DE L’ANALYSE DES OBSERVATIONS ET DES SITUATIONS CLINIQUES

L’analyse des observations et des différentes situations cliniques nous permet de formuler les constats suivants :

  • Notre étude s’inscrit effectivement dans un contexte de désagrégation des institutions et des organisations sociales et culturelles.
  • Ces institutions et organisations constituent autant d’étayages qui accompagnent et soutiennent les différentes opérations psychiques, sociales et culturelles dans les processus d’individuation, dans l’élaboration et le franchissement des crises et conflits qui jalonnent l’existence des individus et des communautés. Elles constituent également les garants de l’équilibre des personnes, de l’harmonie et de la cohésion des groupes et des communautés dans de telles situations et opérations.
  • Ce contexte révèle à travers, notamment, les rapports interculturels et le choc des civilisations, une prise de conscience, de plus en plus vive, du désir de liberté, de justice et d’équité des populations. Ces populations sont souvent dans une situation de précarité matérielle et culturelle, mais refusent, de plus en plus, de se laisser guider par les mains d’un destin improbable et d’être les jouets de forces invisibles et surnaturelles. Elles expriment fortement leur désir de vouloir trouver leur accomplissement, non pas dans une volonté extérieure, mais à partir de l’expression de leur être, dans leurs racines culturelles, en s’affirmant pleinement comme sujets et personnes. Ces populations exigent de voir ces désirs s’appliquer dans tous les domaines de leur vie, de leur existence.

Cependant, dans des sociétés encore fortement marquées par les mentalités traditionnelles et où l’individu n’avait, traditionnellement, de signification que référée à ses affiliations mythiques, à la famille, à l’ethnie et au groupe, de telles prises de conscience de désir de liberté et d’affirmation de soi exacerbent souvent les tensions et les conflits, les crises existentielles, les fractures entre générations, entre groupes sociaux et communautés.

Dans le contexte de désagrégation des institutions et des organisations, ils entraînent, par voie de conséquence, une crise de référence aux identités partagées qui s’accompagne de l’émergence des éléments psychiques et culturels, indifférenciés ; d’une remise en cause du contrat narcissique, du pacte social et d’un réquestionnement des énoncés fondamentaux du groupe, entre besoins de réalisation et d’affirmation de soi et nécessité de prise en compte des préoccupations et des intérêts de l’ensemble.

  • Dans ce contexte, la pratique de la thérapie mixte et le zapping thérapeutique qui l’accompagne traduisent bien souvent la quête d’espaces communs de mise en sens des conflits, d’espaces intersubjectifs et transubjectifs où puissent s’élaborer les expériences de rupture. Ils traduisent également des tentatives de restauration de l’espace du jeu des possibles, dans les besoins d’affirmation et de réalisation de soi et dans la prise en compte de l’altérité et de la réalité-groupe.
  • Dans ce cadre, le recours à l’institution divinatoire et les différentes interprétations de la psychopathologie et du mal être des individus qui lui sont associées, semblent offrir un cadre de mise en forme et d’expression symbolique de la réalité psychique et du conflit ; un possible retour aux identités partagées et aux énoncés identifiant de la culture de base. Ces démarches s’inscrivent le plus souvent dans une dynamique et dans des préoccupations de groupe et semblent réaffirmer ainsi la nécessité de la prise en compte de la singularité de chacun, du caractère impérieux et irréductible de la satisfaction pulsionnelle, mais elles traduisent aussi, en cela même, la nécessité de les réinscrire dans les normes canoniques de satisfaction propres au groupe ; dans une dimension beaucoup plus universelles, pour leur donner une figure humainement et socialement acceptable, en les circonscrivant dans les catégories propres au genre humain.
  • Le retour aux référents de la culture de base semble cependant souvent compromis par un risque réel de réactivation des conflits de l’histoire conjoncturelle des communautés, dans leur achoppement aux histoires singulières, comme autant d’avatars des rapports intergénérationnels et de la transmission transgénérationnelle. Dans le cadre de la pratique de la thérapie mixte et du zapping thérapeutique, l’émergence et l’engouement pour de nouvelles formations intermédiaires par le détour du religieux et du syncrétisme, apparaissent comme la quête de l’espace-groupe où peut advenir le sujet et réaffirment, en cela même, l’importance de la fonction métapsychologique du registre socioculturel dans les interprétations, la mise en forme, la structure et l’élaboration de la réalité psychique et du conflit.

Nous pouvons dire ainsi que ces constats confirment nos hypothèses de recherche sur la pratique de la thérapie mixte et du phénomène du zapping thérapeutique qui l’accompagne. Si le lecteur nous accorde un tel crédit, quelles conséquences peut-on tirer de ce travail de réflexion sur les perspectives de la psychopathologie en Afrique Noire d’une part, et d’autre part, dans le débat sur le déterminisme de la fonction métapsychologique du registre socioculturel dans la formation de la psyché et du sujet ?