1. Enonciation en pragmatique

On va commencer par voir l’usage que l’on fait de l’énonciation en pragmatique, première discipline de la linguistique intéressée par la question d’énonciation. Ce faisant, on la mettra en parallèle avec la valeur référentielle du discours qu’elle produit.

Dans l’analyse du discours telle qu’elle est pratiquée en pragmatique, le discours est toujours ancré dans une situation d’interaction qui est par définition spatio-temporellement située et assumée par ceux qui s’y engagent. Les sujets qui sont en interaction contribuent à y construire un espace textuel collectif notamment à travers le principe de coopération que développent les quatre maximes de conversation de Grice. Ce qu’il importe de souligner ici, c’est le contexte d’énonciation, « emploi » du mot (Wittgenstein), où s’effectuent les « jeux de langage » en termes de contiguïté spatio-temporelle et d’« intention de communiquer ». En assumant son acte d’énonciation singulier, un être sensible se présente comme le locuteur alternant de son partenaire dans l’acte de langage et qui met en branle le système de signes linguistiques à la fois arbitraire et contraignant. L’exercice de la parole présuppose ainsi la « mise en discours » qui mobilise les compétences du sujet d’énonciation, non pas seulement sémio-linguistiques, mais aussi et surtout « communicatives » dans le sens ethnométhodologique du terme. 1 La créativité de la parole illimitée serait une pure spéculation sans fondement. Si on souligne ainsi l’importance de la dimension de l’usage qu’on fait d’un système de signes linguistiques dans une pratique sociale, l’acte d’énonciation deviendra alors la praxis énonciative qui consiste à considérer le schéma linguistique comme coagulation des « manières de parler » du sujet collectif : le signe linguistique sera identifiable, dans une telle perspective pragmatiste, au symbole produit par une communauté du langage, Collective Mind socio-historiquement datée.

Notes
1.

Parmi le vaste courant d’interactionnisme symbolique, l’ethnométhodologie souligne le savoir-faire, non pas du chercheur, mais des membres de la communauté qu’il étudie : ils sont capables d’élaborer leur propre raison, « méthodologie » dans des situations auxquelles ils participent. L’interactionnisme symbolique a pour but de donner la description des dimensions d’intelligibilité et de détermination du monde social. (Voir La sociologie du langage, P. Achard, P.U.F, 1993 p. 94-97.)