1-1. Valeur référentielle du terme linguistique

D’après O. Ducrot 2 , la valeur référentielle d’un terme linguistique est fonction du contexte d’effectuation où il se réalise en énoncé via le dispositif sémantico-syntaxique de la langue employée. En termes du schéma de la communication jakobsonnien, on dira que le contexte référentiel d’un acte d’énonciation est à construire par le message qui présuppose l’existence d’un code et que le code, dont témoigne la fonction métalinguistique du langage, assure sa circulation entre deux pôles émissif et réceptif à travers le canal choisi. De son côté, A. Culioli affirme que la syntaxe est un outil permettant de créer les valeurs de vérité et de fausseté du contenu propositionnel. Ce n’est donc pas la valeur véri-conditionnelle d’un énoncé qui en détermine la structure prédicative. C’est le contraire qui se produit et cela exige que l’on comprenne son espace interne tout en l’associant à la dimension socio-sémiotique où il s’agit de rapports entre le langage et son sujet. C’est après coup que l’on sera en mesure de parler du « réel ». Dans une telle perspective, l’interrogation sur l’intension de l’énoncé doit être donc antérieure à la question qui est de savoir comment il subsume sur la dimension extensionnelle un ensemble d’objets qui en constituent le référent dans un monde quelconque, non pas forcément factuel, mais aussi conditionnel. La construction logico-sémantique d’une phrase implique d’ailleurs une singularité énonciative du sujet - prime actant - qui s’y montre en prédiquant et assumant le contenu propositionnel qu’elle exprime. Il entre par-là en rapports actantiels à l’autrui qui s’inscrit dans le même champ d’interaction intersubjective, voire intertextuelle.

Selon Ducrot, la fonction référentielle d’un énoncé est toujours soumise à l’une des grandes catégories pragmatiques, sens présupposé qui, à la différence de sous-entendus, relève du sémantisme du lexème. Le présupposé de l’énoncé, c’est la configuration thématique du discours qui s’installe telle quelle dès lors qu’un sujet s’approprie le langage et à propos de laquelle il fournit de nouvelles informations sous forme de contenus posés. Le présupposé de l‘énoncé constitue le niveau de sens qui résiste aux tests de négation et d’interrogation : nier le sens posé explicitement par l’énoncé laisse intact pourtant ce qu’il présuppose comme valeur implicite. En revanche, le fait que l’on remette en question le présupposé de l’énoncé revient, non seulement à refuser sa valeur sémantique prédiquée, mais aussi à rendre illégitime l’acte de langage lui-même qui a pour effet performatif de transformer l’état de choses factuel. C’est pour cela que le pragmaticien distingue la structure sémantique de l’énoncé en deux niveaux du sens, explicite (sens posé) et implicite (présupposé et/ou sous-entendu). Bien avant le problème du référent linguistique vient la problématique des « connivences énonciatives» qui déterminent la structure intersubjective des actes du langage. La compréhension du monde d’objets est précédée de la construction collective de l’objet-message par les interactants dont l’intention de communiquer l’emporte sur ce à propos de quoi ils assertent quelque chose. L’objet de discours sera alors identifiable à l’univers présuppositionnel (configuration thématique) implicitement partagé entre les partenaires de l’interaction qui le pointent en assumant la valeur implicite de leurs actes de langage. Un individu devra se distinguer de ce monde référentiel perçu immédiatement avant de débrayer sur l’espace discursif en posant explicitement un contenu propositionnel. Il devient par-là un /Je/ qui s’énonce en prédiquant à propos de son objet de discours. Le sens d’un acte de langage qui s’organise ainsi hiérarchiquement à deux niveaux de valeur explicite et implicite nous renvoie dans un autre registre à la construction sémantico-syntaxique thème-rhème de la prédication qui en indique la topicalisation.

Notes
2.

Nous renvoyons le lecteur à ses deux ouvrages : Le dire et le dit, Minuit, 1984 et Dictionnaire encyclopédique des sciences du langage, Seuil, 1972. (en collaboration avec T. Todorov)