3. Conclusion

A la lumière de ce qu’on a dit jusqu’à présent concernant la place qu’il faudra donner à la notion de figure dans le cadre de la problématique des rapports entre énonciation et référence, et en guise de conclusion de ce chapitre, on proposera de distinguer trois niveaux d’organisation du sens où intervient la question de référence :

Au palier de textualisation 1 , on aura affaire au référent, terme qui occupe l’une des positions du triangle sémiotique élaboré par Ogden et Richard. Un objet du monde doit être entendu ici comme le point d’aboutissement d’un processus de construction par quoi le sujet d’énonciation (énonciateur et énonciataire) s’en donne une représentation sémantique en mobilisant sa compétence discursive dont le savoir figuratif.

L’objet implique donc la « manipulation » que le sujet opère sur lui. La « déformation cohérente » qui en dérive renvoie à l’autre sens de la référence « visant à décrire le réseau de références non seulement à l’intérieur de l’énoncé mais aussi entre celui-ci et l’instance de l’énonciation » (ibid., p. 312). Maintenant, l’objet du monde n’est pas tant le terminus ad quum que le processus lui-même permettant d’instaurer une véridiction caractéristique du pôle intrinsèque du discours. Si on admet que le monde extralinguistique est un langage parmi d’autres qui est sémiotiquement informé par l’homme, la référence entre un langage et son contexte d’emploi n’est alors qu’une question d’intersémioticité et la modalité véridictoire qui s’installe en structure intersubjective de l’énonciation en sera un cas d’opérativité.

En amont de l’acte d’énonciation, le référent ne signifie ni la discrétisation, ni l’objet de manipulation unilatérale. Il s’agit du simulacre noématique qui s’implique dans un acte de sa perception par le sujet sensible qui le vise intentionnellement. Il accède au statut d’unité phénoménologique qui, à titre de terminus a quo, déclenche le double mouvement de visée et de saisie, l’organisation figurative du discours jouant le rôle de médiation entre son plan de contenu et le plan d’expression du monde perçu. Le tempo et l’aspectualité en sont caractéristiques de ce qui advient en champ de présence. Le « sujet » apparaît ici comme un lieu phéno-physique où s’effectue le processus de découplage et de recouplage du /Je/ d’avec son proto-actant d’objet. Le corps propre qui occupe le centre du champ de présence se transformera en un corps parlant modulé par la fiducie perceptive qui s’en dégage. Cette dernière fournit la couche sensible à la modalité /Croire/ qui est le fondement axiologique de toute interaction actantielle. Le contrat fiduciaire s’établissant entre ses deux pôles Destinateur vs Destinataire suppose aussi la mise en place du savoir figuratif, la modalité d’ordre épistémique contribuant à la compétence discursive du sujet d’énonciation qui les déploie sur son énoncé débrayé. Ainsi la figurativité peut-elle être dite avoir le rôle de médi-action qui permette au corps vivant de se constituer en un sujet énonçant régi par la profondeur tensive.

Notes
1.
« La textualisation est l’ensemble des procédures – appelées à se constituer en syntaxe textuelle – qui visent à constituer un contenu discursif, antérieurement à la manifestation du discours dans telle ou telle sémiotique (et, plus précisément, dans telle ou telle langue naturelle). Le texte, ainsi obtenu, s’il est manifesté comme tel, prendra la forme d’une représentation sémantique du discours. » (Sémiotique, dictionnaire raisonné de la théorie du langage, A.J. Greimas et J. Courtés, Hachette, 1993, p. 391.)