1. Hypothèse cognitiviste de la métaphore spatiale

1-1. Repérage énonciatif en surface

Cette manière de voir les choses ne va pas sans difficulté, si l’on s’intéresse à la conceptualisation cognitive de la spatialité, en particulier à l’hypothèse de Lakoff et Johnson qui porte sur la métaphore spatiale. Il nous sera donc nécessaire de comparer les deux conceptions du langage spatial, logico-formelle et néo-localiste. Cette mise en parallèle nous servira à mieux comprendre l’importance de la figurativité spatiale prégnante dans l’économie générale du parcours du sens. Et elle permettrait ainsi au sujet énonçant de viser, en termes topologiques, des figures du monde qui le traversent en même temps. La figurativité spatiale en profondeur sera donc considérée comme ce qui régit, sinon la fiducie perceptive, du moins la véridiction du discours dans son aspect tensif.

Selon Lakoff et Johnson, les activités symboliques de l’esprit humain sont soumises moins à des catégories logiques qu’à la conceptualisation spatiale abstraite ancrée dans son expérience perceptive. D’où le rôle fondamental qu’ils attribuent au fonctionnement cognitif de la métaphorisation spatiale dans les faits langagiers de tous les jours. Elle devient l’un des mécanismes qui fondent le langage dans sa catégorisation du monde. Le langage n’est plus (ou pas seulement) le système formel des signes qui tireraient chacun leurs propres valeurs du fait qu’ils s’y interdéfinissent en termes différentiels. Il se présente, dans l’optique localiste, comme étant ce qui dérive d’activités cognitivo-perceptives, d’un côté et de contraintes discursives d’ordre rhétorique, de l’autre côté. C’est surtout le mécanisme de métaphorisation qui joue le rôle régulateur dans ce croisement des règles argumentatives et des activités perceptives qui les sous-tendent. Dans une perspective sémiotique, on dira que ce mécanisme relève d’opérations fondamentales qui consistent à organiser discursivement le monde d’objets déjà sémiotisés à l’aide de différents procédés à la fois figuratifs et figuraux. Les opérations de repérage spatial se révèlent donc indispensables à l’instauration du sujet d’énonciation qui, à partir du centre de référence topologique ainsi posé, débraye sur l’espace textuel en organisant ses expériences perceptives du monde sensible : il s’énonce en se repérant dans le labyrinthe qu’est la diversité sensible. Le langage spatial serait ce qui rend possible l’imaginaire anthropologique de la quête du sens de vie. Après coup, l’axiologie de base qui fait l’enjeu d’un discours sera distribuée sous forme d’objets-valeurs sur la scène actantielle à l’arrière plan de la projection sémio-narrative.

Permettre le repérage énonciatif est la première fonction qu’on pourra déduire de l’hypothèse du schématisme spatial qui régit le discours en surface.