2-2. Dimension phénoménologique de la communication

Ainsi envisagé, le rapport entre l’énoncé et l’énonciation nous rapproche de la notion d’ « Objet Dynamique » que Peirce définit comme une entité qui, sans jamais être « touchée », se laisse déterminer cependant dans le processus d’interprétance qu’elle amorce. Cette manière de concevoir l’acte d’énonciation nous aide à mieux comprendre des définitions comme celle-ci :

L’énonciation se définit ici comme une structure actantielle dans laquelle la visée du monde par le sujet se trouve déterminée par l’objet du discours vers lequel il se dirige intentionnellement. Ce qui est en cause, c’est, semble-t-il, l’aspect tensif ou phénoménologique de l’acte d’énonciation dans son rapport à la morpho-dynamique du discours sur lequel son sujet débraye. Il faudra donc tenir compte de l’intentionnalité discursive. Il n’est pas question de « l’intention de communiquer » qu’aurait l’ « auteur », qui est un des concepts indéfinissables parce qu’inaccessible quand on s’efforce d’expliquer l’acte d’énonciation en termes de compétence discursive du sujet qui le prend en charge. On s’intéresse davantage au savoir figuratif qui relève de compétences du sujet d’énonciation. L’organisation discursive, en l’occurrence le dispositif spatial de son énoncé, repose sur les figures du monde déposées en son mémoire. La compétence discursive de l’instance d’énonciation se caractérise, d’une part par l’ensemble des figures du monde sensible telles qu’elles s’offrent à elle et d’autre part, par les figures de la langue naturelle cristallisées en praxis énonciative du groupe socio-culturel qui la parle. En qualité de dépositaire de la double figurativité, l’instance d’énonciation se définit comme ayant la modalité actualisée qui caractérise la compétence discursive de son sujet : figures du monde sensible conçues comme catégories extéroceptives et figures de la langue naturelle comme catégories sémiques en discours. Les deux plans de la figurativité permettent à un individu social de se poser comme l’instance émissive et réceptive dans une situation de communication sémiotique. L’acte d’énonciation se présente alors comme le lieu d’exercice de la double figurativité. C’est l’aspect social de l’acte d’énonciation qui est mis en valeur chez Greimas :

On note que la notion de praxis énonciative sur laquelle Greimas insiste est un des points de divergence avec des gens comme J. Geninasca ou J.C Coquet : ces derniers attirent davantage l’attention sur le soubassement perceptif du discours. Dans la perspective d’une phénoménologie discursive, l’acte de discours repose sur la fiducie perceptive, « valeur de l’objet-valeur pour le sujet énonçant ». Il n’est pas tant question ici de l’axiologie du destinateur investie dans l’objet-message, qui rend intelligible les actions de différents sujets participant au projet de « quête du sens de vie ». Il importe davantage de s’interroger sur la « valence », valorisations thymiques que le sujet percevant assume à l’égard de l’objet axiologiquement investi. La valence, qui est une condition d’accès à la valeur, a pour effet d’accélérer ou de ralentir le tempo de circulation de l’objet-valeur qui passe d’un état de choses à un autre. L’aspectualisation de l’espace narratif qui en résulte donnera à voir après coup la façon dont le sujet énonçant porte le jugement perceptif sur l’objet-valeur qu’il perçoit en assumant sa propre position éthico-axiologique.