2-3. Structure « personnelle » de l’énonciation

Cela dit, revenons-en à Greimas pour voir la nature exacte de la notion d’intersubjectivité. L’acte d’énonciation, tel qu’il est compris dans la perspective de praxis énonciative, met en jeu la catégorie de « personnes » /Je/ et /Tu/ qui révèle la structure intersubjective et donc sociale de toute communication langagière, d’un côté et celle de « non-personne » identifiable au « référent » de l’univers sémantique qu’elles construisent, de l’autre. La catégorie non-personnelle est généralement considérée comme l’effet d’illusion référentielle qui s’installe à l’intérieur du corps textuel. Mais si on se situe d’un point de vue autre que linguistique, en l’occurrence, de sémiotique visuelle, il ne sera pas juste de faire correspondre l’objet du discours à ce qui est construit en sens unique par le système de signes linguistiques basé sur le principe de l’arbitraire. Pour notre part, nous nous proposons de comprendre la « non-personne » de manière à ce qu’elle établisse des rapports de détermination bilatérale avec le signe, les deux plans qui le composent étant unis par la fonction sémiotique qui joue sur leur équivalence isomorphique.

Quant à la catégorie « personnelle », le sujet énonçant n’est pas nécessairement celui qui dit ego dans son acte d’assomption prédicative, si on s’intéresse à des systèmes de pronoms personnels autres qu’indo-européens : il existe des langues naturelles dans lesquelles celui qui dit /Je/ en s’énonçant n’est pas le centre déictique qui s’installerait sui-référentiellement avant de ménager la place à son allocutaire. Il se positionne d’abord par rapport à la stratification sociale et ensuite procède du choix de morphèmes de pronoms personnels. C’est donc la catégorie « non-personnelle », incarnation actantielle de l’axiologie dominante qui commande l’emploi des termes dit « déictiques ». C’est le cas du système de pronoms personnels en japonais que J. Fontanille rapporte pour remettre en question la conception « subjectiviste » de l’énonciation chez E. Benveniste :

Sans extrapoler, on se contentera de constater que la praxis énonciative ouvre une autre voie permettant de conceptualiser l’acte d’énonciation qui ne serait alors pas seulement égocentrique mais aussi sociocentrique, voire multifocal.