2-1. Dynamique du sens

Du point de vue dynamique, et partant génétique, le sens devient le champ topologique où se distribuent les points « singuliers ». C’est un espace transcendant « réel » 1 , dit-il, qui n’est, ni d’ordre de la conscience originaire, ni de l’Être. Il s’agit du champ ouvert pré-individuel et impersonnel qui accueille les singularités topologiques dans sa profondeur, sans qu’il n’y ait encore, ni la distance entre elles, ni leur direction sur le continuum d’énergie potentielle. On dirait aujourd’hui que le champ topologique tel qu’il est conçu par Deleuze est celui qui transcende la modulation de la tensivité phorique dans le champ de présence. Ce n’est pas un espace euclidien normé avec ses coordonnées spatiales dans lequel les entités métriques se déterminent les unes par rapport aux autres dans leurs rapports différentiels. La géométrisation de la spatialité suppose déjà une fixation de la direction du bon sens, d’un côté et une forme identitaire, de l’autre. Ce champ transcendant qui est cependant réel est un champ potentiel composé de singularités topologiques. Les points vectoriels ne sont pas encore identifiables dans leurs formes mais génératrices de structures propositionnelles. Cet espace vectoriel, Deleuze l’appelle l’« expression comme champ métaphysique » qui n’est d’autre chose que la quatrième dimension de la proposition qui s’ajoute à ses autres dimensions ci-dessus présentées. Il est à mettre en relation avec la physique de tensions qui se déploient à la surface du contenu propositionnel et qui donnent lieu au sens comme effet de surface statique.

Notes
1.

C’est Kant qui distingue deux sortes de réalisme, qui font pendant à deux types d’idéalisme :

« Le réaliste transcendantal se représente donc les phénomènes extérieurs (si on admet la réalité) comme des choses en soi qui existent indépendamment de nous et de notre sensibilité et qui seraient hors de nous, suivant les concepts purs de l’entendement. A vrai dire, c’est ce réaliste transcendantal qui, dans la suite, joue le rôle de l’idéaliste empirique et qui, après avoir faussement supposé que, pour être extérieurs, les objets des sens devraient avoir en eux-mêmes leur existence, indépendamment des sens, trouve, à ce point de vue, toutes nos représentations des sens insuffisantes à en rendre certaine la réalité.
L’idéaliste transcendantal peut être, au contraire, un réaliste empirique, et, par la suite, comme on l’appelle, un dualiste, c’est-à-dire accorder l’existence de la matière sans sortir de la simple conscience de soi-même [...]. » (Cité in HJELMSLEV, Sémir Badir, les Belles Lettres, 2000, p. 198.)