2-3.ημαιυόυου

U. Eco donne une définition de la proposition en mettant en exergue la théorie du signe chez les Stoïciens 1 . Ces derniers partent de la triade aristotélicienne expression/contenu/référent 2 , mais articulent de façon plus fine le concept de contenu (σημαιυόυου). Ils définissent le contenu d’une expression comme un « incorporel », ce qui veut dire qu’il ne signifie, ni l’univers intérieur du sujet qui s’y énonce, ni son attitude illocutoire, ni l’imagerie mentale représentée. Parmi les incorporels est classé le λεאĮóv que Eco propose, à son tour, d’identifier à la notion de proposition. Chacun des arguments d’une proposition constitue également une proposition incomplète, ce qui reviendrait, suggère-t-il, à dire que les positions de sujet ou de prédicat qui contribuent au jugement prédicatif ne sont pas de nature syntaxique, mais correspondent à des rôles casuels ou fonctions actantielles. En ce sens les éléments du contenu propositionnel revêtent des valeurs positionnelles dans une structure noématique :

Quant à la proposition complète, elle se présente comme « représentation de la pensée » telle qu’elle est exprimée dans le message du discours. On note pourtant qu’elle prête, semble-t-il, à l’ambiguïté interprétative : proposition comme simple considération de la pensée et proposition comme acte d’assertion (négative ou positive) engageant le jugement d’un sujet.

Le contenu de l’expression qu’on vient d’expliquer à partir de la gnoséologie stoïcienne est lié, selon Eco, au concept de signe que les Stoïciens élaborent dans le cadre de la théorie de l’implication. Un événement de tout ordre (non pas uniquement linguistique) sera dit signe quand il est interprété comme antécédent supposé vrai d’un raisonnement hypothétique. Il doit aussi être associé inférentiellement au conséquent probable. Une autre condition pour qu’un fait physico-perceptif devienne signe, c’est qu’il soit incorporel, et donc proposition dans le sens où Eco l’entend. Le signe n’est pas une substance de manifestation occurrentielle, sinsigne indiciaire discent dans la perspective peircienne. Il relève de forme du contenu, type qui en modélise toute réalisation concrète et individuelle à la base des règles d’inférence.

A partir de là, Eco envisage le rapport d’intersémioticité entre le système modélisant primaire et d’autres systèmes secondaires (J. Lotman) sous l’angle de sémiosis perceptive qui sollicite deux sémantiques intensionnelle et extensionnelle :

Etant donné que notre objectif est de comparer la conception du sens d’après G. Deleuze avec la structure tripartitive de la signification chez E. Husserl, nous regardons plus en détail la configuration du contenu propositionnel mise à jour par Deleuze. On va voir comment il en rend compte pour aboutir au caractère circulaire du langage. D’entrée de jeu, il sera plaisant d’introduire cette circularité en citant un passage de What the Tortoise said to Achille de Lewis Carroll, écrivain favori de Deleuze :

Notes
1.

Voir Sémiotique et philosophie du langage, U. Eco, P.U.F, 1988, p. 38-42.

2.
« La parole est un ensemble d’éléments symbolisant les états de l’âme, et l’écriture un ensemble d’éléments symbolisant la parole. Et de même que les hommes n’ont pas tous le même système d’écriture, ils ne parlent pas tous de la même façon. Toutefois, ce que la parole signifie immédiatement, ce sont des états de l’âme qui, eux, sont identiques pour tous les hommes ; et ce que ces états de l’âme représentent, ce sont des choses, non moins identiques pour tout le monde. » (Aristote, cité in Sémantique et recherches cognitives, R. Rastier, P.U.F, 1991, p. 75.)

La critique qu’en fait Putman est la suivante :

« Aristote a été le premier penseur à faire une théorie systématique du sens et de la référence. Dans le De interpretatione, il traça un schéma qui s’est révélé remarquablement durable. Selon ce schéma, quand nous entendons un mot ou tout autre [signe], nous associons ce mot à un « concept ». Le concept détermine ce à quoi réfère le mot. » (1988, p. 19.)