2-2. Dynamique du carré et catastrophes

Aussi la syntaxe fondamentale pourra-t-elle être reformulable sous l’angle catastrophique si on le définit comme ayant une fonction de liant qui associe l’intensité visible du sujet percevant à la morphologie visuelle de l’objet perçu : dans le champ de présence se laissent montrer deux choses qui sont indissociables l’une de l’autre : l’instabilité identitaire de la protensivité (protoactant-sujet) et l’ambivalence de la rétrotensivité (protoactant-objet). Elle deviendra alors un lieu de transformation topologique où les termes tensifs (complexe et neutre) se situent dans des zones de la plus grande entropie par rapport aux termes distinctifs (simple) qui occupent une zone plus stable et donc plus prévisible. D’après J. Petitot, il y a un phénomène de colocalisation qui fait que les entités de nature différente sont appelées à être soumises au même contrôle catastrophique à la surface d’un dispositif catégoriel donné. Le système interne se trouve ainsi en voisinage avec l’espace de référence externe composé de diverses strates et qui y influence à distance. La colocalisation des formes abstraites et hétérogènes entraînera un double effet de stabilisation et dynamisation du dispositif sémiotique qui les assume à de différents paliers d’organisation : d’un côté, le système sémiotique se stabilise en articulant les valeurs dans sa structure d’accueil et de l’autre, il se dynamise en faisant monter la matière de la signification à sa surface. Le mode de co-présence de différentes formes sémio-mathématiques qui sont soumises à l’épreuve du même contrôle catastrophique sera donc à longue échéance la cause de l’effet déstabilisateur de la structure dans laquelle elles alternent. A ce titre, un système de signes sera dit structure morpho-dynamique du sens. On y reviendra ci-après, quand on essayera de revisiter le carré sémiotique à la lumière de deux propositions faites respectivement par T. Keane et J. Petitot. Vu sous l’angle catastrophique, la syntaxe fondamentale du carré sémiotique n’a pas de vocation uniquement de rendre compte de la direction des valeurs qui auraient été déjà articulées en modèle constitutionnel d’ordre taxinomique. A l’inverse, c’est le carré dynamique qui leur permet de se positionner différentiellement à un état de stabilisation de sa structure. En termes tensifs, la dynamique d’une structure élémentaire de la signification sera due au fait qu’il s’établit un rapport de tensions entre les valences corrélées dans la profondeur du champ de présence 1 . D’où le caractère liminaire du concept de tensivité qui implique à la fois la valeur directionnelle du carré dynamique (différence) et le rapport intentionnel du sujet sensible et de l’objet visé (dépendance). Alors que la différence (zone des termes simples) désigne deux aspects fondamentaux de la structure élémentaire de la signification (sémantique et syntaxe), la dépendance (zones des termes complexes et neutres) peut renvoyer à deux choses : mise en corrélation des deux échelles valencielles par la présence implicite du sujet tensif et condition à la distinctivité des valeurs qu’elle fonde.

Notes
1.
« Mais l’homogénéisation de l’ensemble des relations constitutives d’une catégorie dans le même espace de contrôle (catastrophique) a pour prix l’effacement de la distinction entre différence (termes de première génération) et dépendance (termes de seconde génération), grâce à la mise en parenthèse qui nous occupe ici-même. (...) : dans l’espace tensif de la perception, il n’y aurait pas de place pour les termes “simples”, il n’y aurait que des figures complexes, et, surtout tensives. » (ibid., p. 17.)

La relation d’opposition des termes catégoriels repose sur une corrélation tensive de valences.