1-2-2. Primauté de la neutralité

La catégorie sémique de –S1 trouve ainsi à « colocaliser » en contexte (paradigmatique comme syntagmatique) en voisinage de S2 avec lequel il établit une relation d’implication en carré sémiotique. Elle relève, on l’a dit, de traits privatifs, « cases vides », qui sont, pour nous, antérieurs à la présence de traits distinctifs. Il y a là distinction par rapport à la position théorique de R. Jakobson. Il donne en effet la fonction primitive au terme marqué, non-privatif. Autrement dit, le terme marqué décide de statut du couplage de traits binaires dont il fait partie. En renversant ainsi la démarche binariste, nous proposons de réinterpréter le dispositif dit logico-sémantique de la structure élémentaire de la signification sous l’angle de l’espace de référence qui le surdétermine à titre de contrôle de la double prédication. Nous postulons que la logique de double prédication précède les opérations de la syntaxe fondamentale telles que le contenu posé doit être d’abord nié et ensuite confronté à sa contradiction avant que son contraire se trouve affirmé. La mise en mouvement du carré dynamique trouvera sa source dans le mode de simulacre existentiel du sujet tensif soumis à l’épreuve de double prédication. En recourant à la théorie des ensembles, on exprimera l’ordre de ces deux types de logique comme suit :

Cette manière de présenter les choses permet de faire voir plus visiblement leurs lieux d’application : en termes jakobsonniens, la double prédication se trouve appliquée à l’opposition privative, tandis que le binarisme à l’opposition qualitative. En carré sémiotique, celle-là représente le point culminant entre la déixis positive (ou négative) et le schéma, lieu de transformation où se renouent deux termes marqué et non-marqué dans leur relation d’implication. Quant à l’opposition qualitative, elle renvoie à l’axe sémantique qui met en relation de présupposition réciproque deux termes contraires tous deux marqués. D’après ce que nous avons affirmé concernant la question de savoir quel serait premier des deux termes neutre et complexe, nous pouvons dire aussi que c’est l’opposition privative qui l’emporte sur l’opposition qualitative en lui donnant la fonction primitive d’organisation catégorielle. C’est une des conséquences de notre postulat que la force de Neutralité du devenir, dont la double prédication, règle l’ensemble des composants du graphe existentiel.

En théorie catastrophiste, il y deux types de catastrophe qu’on appelle respectivement catastrophe du conflit et catastrophe de la bifurcation. Selon J. Petitot et R. Tom, elles correspondent chacune, sous l’angle catégoriel, à deux types d’opposition qualitative et privative. On le regardera de plus près ci-après, lorsqu’on fera le point sur la mise en parallèle entre la double prédication et les modèles catastrophistes.

Venons-en à ce qui nous préoccupe ici. On a fait appel en haut à la représentation ensembliste pour rendre compte du niveau d’opérativité de la zone simple où se fait le transfert du niveau tensif du graphe existentiel à son niveau catégoriel. C’est donc en transformant la négativité (absence de traits pertinents) en distinctivité (leur présence) que l’on arrive à des dispositifs formels. A ce propos, on se rappellera que nous avons dessiné dans notre schéma le carré dynamique en forme du triangle dont la valeur vectorielle trouve sa source dans la relation d’implication des S1 et –S2. En ce faisant, on voulait montrer graphiquement le caractère liminaire de la zone simple.