1-2. Méthode d’analyse interne

Sous l’angle de lecture paradigmatique, le mythe, qu’il soit occurrenciel ou type, ne peut être pleinement saisi que si on garde à l’esprit le fait que chaque « séquence » narrative en elle-même n’a pas de sens. Mais elle contracte une relation isotope avec les autres qui relèvent de même famille sémantique de manière à ce qu’elles donnent lieu ensemble à un cluster de figures cohésives. Cet ensemble de prédicats relationnels se définit comme de véritable unité minimale du récit mythique, appelées mythème. Il s’oppose, à son tour, à d’autres unités du même niveau. Ce sont les mythèmes, et non les éléments narratifs les composant qui entrent dans un dispositif différentiel basé sur les corrélations de type homologique. Au terme de l’analyse qu’il donne du mythe d’Oedipe, Lévi-Strauss met en avant ainsi une homologation suivante : la surévaluation des rapports familiaux est à leur sous-évaluation ce que l’effort de maintenir l’autochtonie est à l’impossiblité d’y réussir. En s’appuyant sur la formule canonique du processus de transformation ci-dessus, on pourra en induire deux fonctions (ou rôles thématiques) investies dans de différentes figures et qui déterminent deux situations narratives du récit. D’où une catégorie de contradiction que Lévi-Strauss explique sous forme de deux macro-propositions régissant l’ensemble paradigmatique du mythe en question : la croyance en origine autochtone de l’homme et sa naissance entre deux sexes. La fonction du mythe consiste justement à interposer un terme médiateur. Le mouvement dialectique sous-jacent ira jusqu’à ce que soit épuisée l’intelligence de l’esprit humain qui le prend en charge et mise en forme la matière de son vécu. 1 A ce stade de développement de sa conception du mythe (on est en 1958), on voit mal cependant comment la formule canonique de transformation de l’ensemble paradigmatique peut être validée dans l’analyse concrète de récits mythiques.

Notes
1.

De ce processus de médiation, Cl. Lévi-Strauss donne une explication un peu imagée :

« Quel que soit le mythe pris pour centre, ses variantes rayonnent autour de lui, formant une rosace qui s’élargit progressivement et se complique. Et quelle que soit la variante placée à la périphérie qu’on choisse pour nouveau centre, le même phénomène se reproduit, donnant naissance à une deuxième rosace qui recoupe la première et la déborde. Et ainsi de suite, non pas indéfiniment, mais jusqu’à ce que ces constructions incurvées ramènent au point où l’on était parti. Avec ce résultat qu’un champ primitivement confus et indistinct laisse apercevoir un réseau de lignes de force et se révèle puissamment organisé. » (De près et de loin, Cl. Lévi-Strauss, Edition Odile Jacob, 1988, p. 179.)