1. Enactionnisme

1-1. Anthropologie symbolique

En Amérique du Nord, il existe, selon W.A. Foley, deux courants d’anthropologie classiques : l’anthropologie symbolique (C. Geertz) et l’anthropologie cognitiviste (W. Goodenough). Le point de vue de l’anthropologiste symbolique est un point de vue sémiotique dans le sens où elle considère la culture comme un système d’artefacts dont la face physique est conventionnement associée à la face signifiante et que cet usage de signes conventionnels est le résultat d’actions assumées par les sujets qui s’engagent à titre d’agents sociaux dans des activités humaines. Le signe apparaît comme moyen par lequel ils maintiennent le couplage structural, soit entre eux, soit avec leur environnement socio-culturel en ajustant, coordonnant leurs comportements en cours d’événements interactifs. Hors de cette sphère d’activités humaines, il ne peut y avoir de sens culturel :

Le signe-action ainsi défini doit être approprié à l’objectif communicatif d’une interaction qui se déroule dans un domaine de pratiques sociales, cet objectif étant ancré dans les dispositions d’habitude des membres d’un groupe qui en usent. Dans cette perspective, le signe en tant que médium culturel s’identifie à ce qu’on fait coopérativement en y recourant et par-là en faisant perdurer le couplage structural spécifique à une zone culturelle. C’est dans le signe que le savoir culturel se conserve et évolue d’une génération à une autre sur le mode de temporalité différent du temps physique. Bien que l’anthropologue symbolique ne renonce pas à l’existence d’universaux culturels, la diversité des langues et des cultures humaines le porte à un certain relativisme. Pour exprimer le relativisme culturel 2 chez Geertz, W.A Foley renvoie à A. Becker qui, dans son ouvrage Beyond Translation : Essays Toward a Modern Philology, parle de sa nature :

L’anthropologie symbolique partage bien des points avec la théorie du sens de l’enactionnisme. Elle nous informe sur la manière dont les êtres sociaux agissent et réagissent en forgeant en commun des pratiques culturelles à l’arrière plan du couplage structural propre au groupe auquel ils appartiennent. Cependant elle laisse méthodologiquement suspendue la question d’universaux intimement liée à celle de dispositif cognitif du sujet (ou de l’esprit humain chez C. Lévi-Strauss) qui, pour les connaître, organise mentalement l’ensemble de percepts venus d’objets du monde extérieur. Comme on le verra, W.A. Foley ne manque pas d’adresser une critique contre la conception représentationnelle du sens. L’absence d’intérêt pour l’organisation cognitive de l’entour humain éloigne l’anthropologie symbolique de l’approche enactionniste du sens qui a pour invariants le minimum de deux termes : organisme et environnement. Pour la théorie d’enactionnisme, en effet, il est également important de s’interroger sur le système neuro-physiologique de l’organisme vivant car le potentiel de normes sociales qui contraignent l’usage de signes conventionnels n’est pas illimité comme le laisse entendre la notion de créativité de la parole. Les normes sociales qui se répartissent dans différents domaines de pratiques humaines sont à leur tour contraintes, d’une part par les universaux culturels (c’est le point sur lequel insiste beaucoup Lévi-Strauss), et d’autre part par la limitation qui s’impose au système neuronal du cerveau humain :

Notes
2.

On se rappellera que la notion de véridiction est due à la position relativiste que Greimas prend contre la logique formelle de la référence et l’ontologie de l’Etre en constatant que la vérité du « réel » est tout sauf absolue et variable d’une aire socio-culturelle à une autre.