1-3. Pratiques socio-culturelles comme embodied action

La force de l’argument de W.A. Foley réside donc dans sa proposition de réconcilier les deux paradigmes d’anthropologie en partant de la théorie d’enactionnisme (Maturana et Varela (1987), Varela, Tompson et Rosch (1991)) :

L’idée de la connaissance comme embodied practices n’est pas d’ailleurs incompatible avec la phénoménologie. L’examen de la phénoménologie husserlienne nous donne un fil directeur que nous pouvons résumer comme ceci : l’objectif en est de toucher à l’essence des choses elles-mêmes. L’accès à la chose se fait par la méthode de réduction qui fait que l’on met entre parenthèses ses habitudes perceptives pour faire surgir la forme eidétique de l’objet perçu. C’est l’éidos qui constitue l’expérience du monde sensible. A la base de ce mode de présence au monde se forge toute connaissance scientifique ou pratique. Or l’acte de perception qui lie entre le sujet à son entour est aussi l’expérience d’une conscience d’un type particulier. Il s’agit de la conscience de (datif ergatif) quelque chose. Il y a donc un rapport d’orientation qui lie un état de conscience à un état de choses dans une certaine visée. De ce dispositif phénoménologique élémentaire découlent deux termes de la double relation de visée et de saisie, à savoir l’état de conscience et l’état de choses. De son côté, la théorie enactionniste du sens dit que la connaissance n’est pas une représentation mentale qu’on se donnerait de l’objet de perception et qui servirait d’ « input » à la procédure computationnelle du cerveau humain. Elle n’est pas non plus une configuration globale formée par le réseau de neurones qui se connectent, s’activent, s’inhibent, pour satisfaire à la tâche déclenchée par le « bottom-up ». L’enactionnisme étend le réseau de connaissance au corps et le corps est tel qu’il est situé dans le monde sensible avec lequel il engage un couplage structural spécifique. La connaissance devient ainsi une action incarnée dans le corps et perceptivement guidée dans la pratique sociale qu’il accomplit lors d’un événement interactif.
A la lumière de l’enactionnisme, il sera possible maintenant de spécifier les deux termes du rapport phénoménologique et qui correspondent à deux pôles de notre graphe : présence corporelle et unité écologique. Le champ de présence est un terme qui maintient un couplage structural avec le terme d’entour humain dans le devenir d’une forme de vie propre à un groupe socio-historique. Il est à la fois l’effet et la cause du processus de stabilisation et de dynamisation dans lequel il s’immerge en entrant en interaction avec son propre monde (Umwelt). Il n’y aura plus de ligne de séparation entre l’état de conscience et l’état de choses. Ils surgissent en même temps sur le fond de couplage structural qui les unit. Le rapport de visée qui tient ensemble les deux termes du couplage structural ne serait plus celui d’intentionnalité :

De ce qui précède, on retiendra trois arguments principaux : signe comme action (conception praxéologique du sens), couplage entre le corps et son entour et structure phéno-physique sous-jacente à ce couplage. En les gardant en mémoire, on prendra en considération la sémiotique des cultures que J. Lotman élabore autour du concept de sémiosphère.