2-3. Transitivité de la langue maternelle et intersémioticité

On se rendra compte donc que J. Lotman envisage la problématique de référence du signe sous l’angle du rapport entre deux macro-sémiotiques (systèmes modelants primaires et secondaires). C’est aussi l’avis de Greimas et Courtés qui en parlent en termes d’intersémioticité :

Cependant l’insistance de J. Lotman sur l’interdépendance des deux macro-sémiotiques nous semble être un point de divergence avec la sémiotique greimassienne :

La représentation du monde se construit et est prise en charge par l’instance /NOUS/ qui, par le truchement de catégories de ses langages, fait la description sui-référentielle à l’égard de la sémiosphère qui la fonde. Interprétée de la sorte, la sémiosphère devient « notre image du monde », notre carte topologique qui s’oppose à « la leur » perçue comme relevant de la catégorie de non-existence, de l’ailleurs, de l’irréel. La sémiotique des cultures de J. Lotman rejoint là la conception polyphonique de l’énonciation propre à la tradition russe et cela en faisant un usage particulier de la notion de frontière. Il la définit comme l’un des mécanismes énonciatifs :

A l’intérieur même de la sémiosphère, de multiples frontières se dessinent. Tantôt elles s’affrontent, tantôt elles se croisent, s’assimilent de façon transitive. Le corps est en permanence soumis à deux types de contraintes : d’une part, celles qui s’imposent à lui par le biais de la sphère sémiotique dans laquelle il est immergé, tandis que cet espace culturel est articulé par de différentes frontières qui sont autant d’instances d’énonciation, d’autre part, celles qui lui viennent de ses conditions neuro-physiologiques. En tant que lieu de convergence de ces contraintes, soit universelles, soit culturelles, le corps assume le rôle de vecteur du couplage structural entre l’organisme qui en est porteur et l’environnement qui lui est propre. En ce sens il devient le champ de présence dans lequel l’objet perçu s’investit sur le mode rétrospectif dans le système axiologique de la culture dont il relève. Lors d’un acte d’énonciation singulier, le corps parlant le re-présente dans son discours sur le mode prospectif qui renvoie à l’horizon d’attentes propre à sa sémiosphère.

Ainsi la sémiotique des cultures de J. Lotman nous conduit à la conception dialogique de l’énonciation chez M. Bakthine. Il conçoit en effet l’énoncé-discours en rapport avec une problématique de genres de discours liés aux domaines de pratiques humaines, le signe-action étant situé dans le Chronotope spécifique à une aire socio-culturelle qui en fait l’usage.