3-2. Genres de discours

A l’heure actuelle, on observe que le support multimédia qui est un nouveau type de texte prend une place de plus en plus importante dans le mode d’interaction sociale contemporain. D’où l’intérêt porté à sa description et le problème de typologie de ses genres :

En prenant à notre compte ce constat, nous essayerons de l’intégrer dans le cadre de la problématique de genres de discours à deux facettes : sémiotique des cultures et phénoménologie de la communication.

Le fait que Bakthine ait une extrême sensibilité à des phénomènes linguistiques lui permet de s’interroger sur l’organisation polyphonique du « mot » en discours dans ses deux aspects : la structure intrasémantique (poly-isotope) du discours et la configuration « suprasegmentale » de la tonalité énonciative. La recherche de ces deux aspects de l’énoncé qui est inséparable à son acte d’énonciation relève de ce qu’il appelle « translinguistique » (on dirait aujourd’hui praxématique). Elle ne peut pas cependant être menée sans recours à l’étude morpho-sémantique du mot en discours. En parallèle cette nouvelle linguistique qu’il envisage s’inscrit dans le champ plus global du dialogisme qui est un espace socio-culturel discursivement constitué. En effet Bakthine conçoit le concept d’énoncé comme unité réelle de genres du discours. Cette manière de définir l’énoncé n’est pas loin de celle que l’on trouve chez J.P. Bronckart. Ce dernier définit les genres de textes comme « des formes communicatives historiquement construites par diverses formations sociales, en fonction de leurs intérêts et de leurs objectifs propres ; genres de la sorte socialement « indexés » et qui sont plus largement, comme l’a montré Foucault (1969), à la fois producteurs et produits de modalités spécifiques d’élaboration des connaissances. » (ibid., p. 88.)

Quand on s’intéresse à la nature d’un artefact fonctionnant comme substitut de signe, il faut tenir compte de sa valeur sémiotique car elle lui permet de décrire l’appareil de représentations idéologiques auquel il renvoie par le truchement de son « moyen » de manifestation. En s’exprimant en termes de Peirce, on dira que pour qu’un representamen devienne le signe-action, il faut qu’il apporte quelque chose d’autre que lui-même à propos de son Objet Dynamique en créant un nouveau signe et que l’interprétant du signe nouvellement créé y renvoie aussi en « parlant » de son Objet Immédiat sur le même fondement que le representamen de départ. Ainsi de suite jusqu’à ce que l’appareillage idéologique qui s’y reflètent soit exhaustivement décrit dans ce processus récursif. Une oeuvre plastique, par exemple, participe à construire le domaine d’activités esthétiques tout en permettant à son créateur de refléter, même de réfracter le « réel » à quoi elle se rapporte à travers son propre domaine d’application. Ainsi s’agit-il essentiellement de signes tels qu’ils sont produits et interprétés dans de différents domaines de pratiques humaines potentiellement infinies :

L’énoncé ainsi défini occupe une place particulière parmi d’autres systèmes de signes constitutifs de la sphère sémiotique de l’entour humain. Cela nécessite en conséquence la prise en compte de la totalité des faits d’une société qui va depuis le soubassement socio-économique à un moment donné de son histoire jusqu’aux situations immédiates d’interactions verbales en passant par le niveau de fonctionnement plus complexe de la création littéraire. L’énoncé (ou mot) est pris ici dans son sens le plus large : il peut être une simple réplique du dialogue, un traité scientifique, un roman dans son intégralité à condition qu’il y ait un sujet qui l’assume et qui alterne avec d’autres sujets lui répondant tôt ou tard dans le champ dialogique.